Ainsi donc, le Gabon a un nouveau roi, fils du défunt monarque. Mais comme cette monarchie se veut républicaine, le roi, pour être proclamé, a du se plier à l’épreuve des élections démocratiques, qu’il a remporté, haut la main, mais en y mettant le prix : il a, pour ces élections, dépensé la bagatelle de 900 millions d’Euros. Pour un pays de 1 million et demi d’habitants, dont 800 000 électeurs inscrits – mais seulement 140 000 ont voté pour lui - ça revient assez cher de l’électeur.
Mais rassurez-vous, Bongo Bis, alias Baby Zeus, alias Monsieur Fils ou Ubu Fils, a les moyens de ses ambitions, vu que les royalties du pétrole, du manganèse, du bois, vont directement dans ses comptes bancaires et dans ceux de ses frères et sœurs.
Bref, Ali Ben Bongo, fils aîné d’Omar Bongo Odimba, qui passa l’arme à gauche en juin dernier après une petite présidence inamovible de 42 ans, vient de prendre la succession dynastico-démocratique de son papa, suivant ainsi l’exemple de Faure Gnassingbé au Togo, de Joseph-Désiré Kabila au Congo, et donnant des idées aux rejetons des divers présidents-z’avie et autres aspirants-empereurs aux quatre coins du continent-martyr.
Baby Zeus avait été programmé dès son jeune âge pour la succession, même s’il aurait préféré suivre les traces de sa maman Joséphine alias Patience, qui pousse la chansonnette du côté de Los Angeles. Après son collège protestant dans les Cévennes, puis le Collège Sainte-Croix de Neuilly et la fac de Droit à Paris, Alain-Bernard (ses prénoms de baptême ; il n’est devenu Ali Ben que suite à la conversion à l’islam pétrolier de Papa Albert-Bernard, devenu El Hadj Omar au milieu des années 70) se lance dans une carrière éphémère de crooner, qu’il laisse rapidement tomber pour entrer au cabinet de Papa, qui le fait bientôt ministre, une fois, puis deux. Comme toute la tribu Bongo, Ali vit sur un grand pied. Et quand il met à terre à Paris, c’est pour une modeste mansarde de l’Avenue Foch, dans le garage de laquelle l’attendent deux Ferrari.
L’année dernière, Robert Bourgi, le Jacques Foccart de Sarkozy, l’a présenté officiellement à l’Élysée, ce qui était une manière de signifier aux Gabonais que le patron avait choisi le successeur de leur Père Ubu Père. Comme le disait Bourgi lui-même (qui parle de lui-même à la troisième personne) : « Au Gabon, la France n'a pas de candidat, mais le candidat de Robert Bourgi, c'est Ali Bongo. Or je suis un ami très écouté de Nicolas Sarkozy. De façon subliminale, l'électeur le comprendra. »
Et bien non, l’électeur n’a pas compris et les gentils Gabonais se sont fâchés. Et Total a du évacuer vite fait bien fait ses employés blancs de Port-Gentil devenu Port-Méchant. Port-Gentil, comme Pointe-Noire au Congo, est une sorte de concession franco-pétrolière extraterritoriale, où la loi est faite par Total, qui a pris la suite d’ELF en fusionnant avec elle et avec Fina.
Pauvres Gabonais ! Ils vivent dans un pays riche et sous-peuplé qui pourrait être un paradis sur terre. Mais la France d’en haut n’en a pas voulu ainsi et la richesse pétrolière s’est, ici comme ailleurs, transformée en malédiction, faisant du Gabon une sorte d’émirat où les paysans ont presque totalement disparu (il n’en reste plus que 25 000) et où il vaut mieux fermer sa gueule si on veut faire de vieux os. Un émirat qui bat un curieux record mondial : celui de la consommation de champagne. À croire que les émirs et leurs épouses en remplissent leurs piscines et leurs baignoires. Prions donc pour qu’ils s’y noyent.
Ubu Fils vu par Damien Glez (Burkina Faso)
Bonne semaine, quand même !
Que la Force de l’esprit soit avec vous !
...et à mardi prochain !