lundi 30 avril 2007

N° 35 – Recomposition, équilibrisme, impossible social-démocratie française : danse sur un fil

Funambules, par Viviane Sermonat, d’après John William Waterhouse
Chaque élection présidentielle française apporte ses surprises et est l’occasion de recompositions par lesquelles les appareils des partis politiques tentent de s’adapter aux évolutions de l’électorat, à partir évidemment des interprétations qu’ils en font, lesquelles ne brillent pas toujours par la finesse et l’intelligence.
La grande surprise du premier tour de l’élection 2007 aura donc été le score stupéfiant de François Bayrou, qui a plus que doublé les scores habituels de son parti, l’UDF, fondé par Giscard d’Estaing alors président pour regrouper ses partisans, dégoûtés de la brutalité d’un RPR alors dirigé par Chirac. L’UDF regroupe – peu ou prou – ce qu’il est convenu d’appeler des démocrates-chrétiens à la française, lointains héritiers du MRP de l’après-guerre. L’UDF a toujours été classée à droite et a participé à tous les gouvernements de droite depuis sa naissance.
Soudain, l’année dernière, Bayrou amorce le virage en votant le vote de défiance au gouvernement. L’homme a des ambitions suprêmes. Il commence alors son inexorable ascension. Et voilà qu’il déclare que son part n’est plus à droite sans pour cela être à gauche, bref qu’il est LE centre.
Stratégie payante : il arrive en troisième position à l’élection.
Résultat : les voix des électeurs de Bayrou sont les plus convoitées par les deux candidats restés en lice, Sarkozy et Royal. Comme je le prophétisais la semaine dernière, Bayrou a été très malin : il a refusé et refusera de donner des consignes de vote pour le 6 mai, laissant les électeurs libres de leur choix. Il prépare déjà la prochaine bataille : les élections législatives de juin, où il souhaite évidemment provoquer un raz-de-marée pour constituer un groupe parlementaire beaucoup plus étoffé que l’actuel, en doublant ou même triplant le nombre de ses députés.
Pour cela, il annonce la création d’un nouveau parti, le « Parti démocrate ». Il aura du mal à trouver un sigle pour ce parti : PD ferait ricaner toute la France et PDF ferait rigoler tous les internautes. Enfin, on compte sur ses conseillers en communication pour trouver quelque chose.
L’attitude de Sarkozy et Royal face à la surprise du 22 avril a été à l’image des deux candidats : brutale pour le premier, doucereuse et charmeuse pour la seconde.
Sarkozy a refusé l’idée d’un débat public avec Bayrou, s’inscrivant dans la tradition de rudoyement brutal des centristes instaurée par de Gaulle et poursuivie par Chirac. Pendant qu’il méprise publiquement Bayrou, ses hommes travaillent intensivement les hommes de Bayrou au corps pour les rallier un à un à Sarkozy. Pour faire ce travail, ils peuvent compter sur deux « traîtres » de choix, Gilles de Robien et André Santini, qui expliquent que s’ils appellent à voter pour Sarkozy, ils seront assurés d’être réélus députés. Sinon, l’UMP ne leur fera pas de cadeaux et les é-li-mi-ne-ra. Résultat : à l’heure où j’écris, la majorité des députés UDF appellent à voter Sarkozy.
Royal a accepté l’idée d’un « dialogue » avec Bayrou, qui a eu lieu le samedi 28 avril et a duré deux heures. Courtois, tout en salamalecs, un vrai ballet. Mais qui était le cobra et qui était a mangouste ? Conclusion : ils ont des accords sur pas mal de choses et des désaccords sur pas mal d’autres. La fusion du PS et de l’UDF n’est pas pour demain. Donc pas d’UDS, ni de PDS ni de PSD.
En observant le cirque électoral depuis mon marigot – grâce à la parabole – j’ai eu, en voyant et écoutant Royal, une vision : celle d’une funambule. Royal marche sur un fil tendu d’où elle risque très fort de tomber le 6 mai. En effet, plus elle s’adresse aux électeurs centristes, et plus elle perd des voix d’extrême-gauche. Après le dialogue avec Bayrou samedi, elle va donc faire jouer les violons de gauche avec un grand meeting, suivi d’un concert, le mardi 1er mai, au Stade Charléty de Paris. Et dimanche, interrogée sur une télévision, elle déclarait carrément être totalement d’accord avec le slogan de campagne d’Oliver Besancenot : « Nos vies valent mieux que leurs profits ». Histoire de convaincre les électeurs du facteur rouge de ne pas s’abstenir le 6 mai et de venir voter pour elle.
Le choix du Stade Charléty n’est pas innocent. Explications à l’usage des ignorants.
Le lundi 27 mai 1968, 70 000 personnes participaient à un meeting au Stade Charléty, organisé par l’UNEF, la CFDT et le PSU et boycotté par le PCF et la CGT. L’aile réformiste du mouvement de Mai 68 voulait mettre sur les rails une solution Mendès-France, grande figure de la gauche réformiste, ancien Président du Conseil de la IVème République. Mendès assista au meeting mais n’y prit pas la parole. Une partie de la foule cria « Mendès Président ». Le lendemain, François Mitterrand donnait une conférence de presse pour annoncer que PMF (c’est ainsi qu’on appelait Pierre Mendès-France) et lui-même étaient prêts à prendre la relève de De Gaulle. Le PCF et la CGT, après quelques hésitations, s’engageaient aussi dans cette « coalition » qui fit long feu. De Gaulle et Pompidou répondirent en désamorçant la grève générale ouvrière – par la concession de 25% d’augmentations de salaires, en dissolvant le Parlement et en organisant de nouvelles élections, qui virent une victoire écrasante de la droite gaulliste.
Pour Mitterrand, il faudra attendre encore 13 ans pour arriver au pouvoir. C’est son remarquable machiavélisme qui a permis à la « gauche » socialiste de parvenir au pouvoir. En mettant sur les rails Le Pen et son Front national, Mitterrand a tué deux mouches d’un coup : il a engagé le processus d’inexorable déclin du PCF, qui le concurrençait à gauche et il a divisé les électeurs de droite, dont les voix se sont éparpillées dans le « vote inutile » pour Le Pen, ce qui a permis à Mitterrand de réaliser son score victorieux le 10 mai 1981.
Les socialistes français ne sont pas sociaux-démocrates allemands ou suédois. La grande force de ces derniers ont été les syndicats d’ouvriers, d’employés et de fonctionnaires –qui regroupent presque tous les salariés -, qu’ils dominent à 100%. Les salariés français sont très peu syndiqués – de l’ordre de 10 à 15% - et divisés entre une bonne douzaine de centrales syndicales, dont chacune s’appuie sur des bastions où elle est forte. Et toutes ignorent pratiquement le nouveau prolétariat intermittent, qui passe une partie de son temps à trimer dans des centres d’appel et autres secteurs de la « nouvelle économie », sans parler des fast foods et autres boulots de merde post-modernes.
Les sociaux-démocrates allemands ou suédois ont pu établir un système de capitalisme social à partir de positions de force relative dans les entreprises, arrachant ainsi des concessions non négligeables aux patrons, en échange de leur acceptation du système. Bref, ils vendu la classe ouvrière pour un plat de lentilles, mais des lentilles dorées.
Quand on voit Madame Royal visiter une usine, on sent physiquement qu’elle est totalement étrangère au monde du travail salarié. Il n’y a d’ailleurs dans la direction du Parti socialiste pratiquement pas un seul syndicaliste ouvrier. Le Parti socialiste est et reste donc un parti bourgeois, certes avec une composante un peu plus populaire que l’UDF, mais il n’y a pas entre eux de différences de classe fondamentales.
Rien, fondamentalement, ne s’opposerait à la grande fusion appelée à grands cris par Cohn-Bendit, Kouchner et les autres imposteurs qui usurpent l’héritage de la révolte de 68, cette "page" que Sarkozy dit vouloir "tourner" (apparemment, mai 68 l'a traumatisé). Avec l'aide d'André Glucksmann, sans doute...
Bref, la gauche française est mal partie. Il faudrait dire plutôt « les gauches » :Le PCF est en voie de disparitionLes trotskystes restent des sectes magouilleusesLes Verts sont hors jeuLes altermondialistes sont incapables de se transformer en force politique autonome, indépendante, offensive et…populaire.
La France se retrouvera au soir du 6 mai avec un président Nicolas Sarkozy.
Chaque pays a les présidents qu’il mérite.
Le Stade Charléty ne fera pas le poids face à un Palais des Sports américanisé où l’on a vu un Sarkozy se prendre déjà pour George Bush, en portant la main à son cœur lors de l’hymne national, geste typiquement yankee. Atteint d’autisme, il ne semble pas comprendre que les Français ne sont pas des yankees et refuseront toujours de se laisser enfermer dans la logique binaire de deux partis uniques et jumeaux alternant au pouvoir. Bref, nous ne sommes pas au bout de nos surprises avec ces sacrés Français.
Et n’oubliez pas cette maxime : si les élections pouvaient changer quelque chose, il y a longtemps qu’elles seraient interdites.
Dernière remarque : mercredi 2 mai, on aura droit au grand duel télévisé Royal-Sarkozy. Ils ont tous les deux intérêt à bien choisir les couleurs de leurs tenues. Richard Nixon avait perdu l’élection présidentielle de 1960 contre Kennedy, pour une raison toute bête : lors de leur premier débat télévisé – le premier de l’histoire – il portait une chemise blanche, laquelle, à la télé en noir et blanc de l’époque, paraissait grise. Alors, Ségolène ? Tailleur rose, bleu, rouge ou beige ? C’est la question la plus importante de la semaine qui vient.

Bonne semaine, quand même !
Que la Force de l’esprit soit avec vous !

lundi 23 avril 2007

N° 34 – Sarkozyrou ou Bayrouyal ? La balle est au centre

Voici les résultats approximatifs et non définitifs du premier tour de l’élection présidentielle française
- Nicolas Sarkozy (UMP), alias Nabotléon Identité Génétique Nationale (NIGN) : 29%
- Ségolène Royal (PS), alias Canine Royale Suprême (CRS) : 26,5%
- François Bayrou (UDF), alias Le Tractoriste Ramasse-tout (TRT) : 18,5%
- Jean-Marie Le Pen (Front national), alias le BBB (Bâtard Borgne Breton) : 11%
- Olivier Besancenot (Ligue Communiste Révolutionnaire), alias Le Petit Facteur de Léon (PFL) : 4,5%
- Philippe de Villiers (Mouvement pour la France), alias Le Fou du Puits (FdP) : 2,5%
- Arlette Laguiller (Lutte Ouvrière), alias Camarade Rétro Travayeuzétravailleurs (CRT) : 2%
- Marie-George Buffet (PCF), alias Blues Georgina Tyrannosaura (BGT) : 1,5%
- Dominique Voynet (Verts), alias La Môme Vertdegris (MVG) :1,5%
- José Bové (Altermondialiste), alias Joseph Le Petit Père des Faucheurs (PPF) : 1,36%
- Frédéric Nihous (Chasse, pêche nature, traditions), alias Plouc Yabon Panpan (PYP) : 1,34%
- Gérard Schivardi ("candidat de maires", soutenu par le Parti des Travailleurs), alias Maire d’Alors (MdA) : 0,5%
Ces résultats connaîtront des modifications, mas il est d’ores et déjà acquis que les deux candidats qui s’affronteront au deuxième tour seront NIGN et CRS.
Plusieurs constatations s’imposent à chaud :
- Le taux de participation, de 85%, a été le plus élevé depuis très longtemps en France. La peur de voir se renouveler l’expérience du 21 avril 2002 et le matraquage intensif des électeurs ont joué contre les abstentionnistes.
- L’ensemble des candidats de gauche et d’extrême-gauche (ils étaient 7) font le score le plus bas de la gauche française depuis 1969 (environ 37%)
- Le grand vainqueur de ce premier tour, c’est TRT. Comme il l’a annoncé : « Ce soir, j’ai une bonne nouvelle : le centre existe en France, un centre large, un centre fort, un centre indépendant ». L’issue du deuxième tour (le 6 mai) est entre ses mains.
En effet, aussi bien NIGN que CRS ont besoin de plus de la moitié des voix centristes pour l’emporter. NIGN n’aura pas assez des voix des électeurs de BBB et de FdP et CRS n’aura pas assez des voix de tous les candidats d’extrême-gauche.
Le Tractoriste de Pau a donc le choix entre :
- donner une directive claire de vote à ses électeurs
- les laisser libres de leur choix
Dans le premier cas, soit il appelle à voter pour Nabotléon, lequel sera donc élu à la tête d’une majorité qu’il faudra qualifier de centre-droit, soit il appelle à voter pour Canine Royale, laquelle sera donc élue à la tête d’une majorité qu’il faudra qualifier de centre-gauche. Comment va-t-il négocier les 6 à 7 millions de voix qu’il a engrangé ? En réclamant un poste de Premier ministre et le changement du mode de scrutin aux élections législatives, en faveur d’un mode de scrutin proportionnel ?
S’il est malin, le Tractoriste béarnais appellera à voter Canine Royale, qui pourra donc trahir d’emblée les électeurs d’extrême-gauche et s’engager dans la voie impériale d’un social-libéralisme à la française, réclamé par les Rocard, Kouchner, Cohn-Bendit et autres anciens gauchistes devenus sociaux-libéraux bon teint. Bref le mondialisme capitaliste à visage humain. Dans son discours dimanche soir, CRS a , toujours avec cette nouvelle diction de robot qu’elle a du apprendre dans des cours accélérés et qui a été la sienne dans tous les spots télévisés de la campagne –« j’ar-ti-cu-le-bien-len-te-ment-pour-que-tout-tes-les-mamies de 85 ans-et-plus-me-com-pren-nent-bien », bref in-sup-por-tab-le-, proclamé son refus de jouer sur les peurs des gens et a promis « la paix civile et l’harmonie sociale », parlant une novlang digne de 1984.
En un mot, elle tente désormais de se donner le profil de Mère de la Nation, ce qui n’est pas facile dans un vieux pays patriarcal comme la France. Le tout assaisonné d’un message proprement surréaliste, adressé aux électeurs centristes : elle veut un « État impartial ». C’est pas beau ça ? Et surtout, ça ne veut strictement rien dire. Pas besoin de vous faire un dessin : un État impartial, ça existe dans un monde idéal ou dans une autre galaxie, peut-être, mais en tout cas pas sur la planète Terre.
En réponse, Nabotléon, en ce dimanche soir, semblait soudain être devenu adulte et s’est présenté comme LE candidat au rôle de Père de la Nation : « je veux vous protéger ».
Mais s’il est très malin, le Tractoriste jouera au grand seigneur laissera ses électeurs libres de leur choix. Cela lui permettait de jouer les divas et d’obliger le vainqueur ou la vainqueuse du 6 mai à le courtiser pour qu’il s’associe à son parti aux élections législatives, afin de créer une majorité présidentielle et parlementaire solide. Une majorité PS-UDF pourrait se passer des Verts et des communistes, devenus quantité électorale négligeable, et des altermondialistes, qui n’ont pas réussi leur percée électorale –leur candidat José Bové connaît un échec retentissant - et donner quelques sucettes aux trotskystes pour qu’ils jouent leur partition traditionnelle de « soutiens critiques » et continuent à exercer leur fonction de pompiers-canalyseurs des mouvements sociaux. En tout cas, selon les premiers sondages de sorties des urnes, 45% des électeurs du Tractoriste se disaient prêts à voter CRS et 16% étaient encore indécis.
On va donc assister à une campagne de deuxième tour où le loup et la louve qui s’affrontent vont faire patte de velours, pour rassurer les centristes indécis et les convaincre qu’ils les ont compris.
Dernier constat à chaud après ce premier tour : non, la France ne prend pas le chemin d’un bipartisme « à l’américaine », mais plutôt celui d’un nonapartisme +, avec deux gros partis (UMP et PS), deux partis moyens (FN et UDF), deux partis petits (Verts et PCF), deux partis minis (LCR et LO), un parti mini-mini (le PT), plus « le mouvement antlibéral altermondialiste », tenté de transformer sa nébuleuse en parti, ce qui serait une erreur tout aussi grave que la candidature de Bové à la présidentielle.
On pourrait bien sûr rêver et imaginer que CRS devienne la présidente d’une majorité très-plurielle rassemblant centristes issus de la démocratie-chrétienne, écolos, cocos, trotskos, altermondialos et autres rigolos. Mais la France n’est pas l’Italie et « combinazione » n’est pas un mot français. Chacun chez soi et les cochons seront bien gardés. Surtout si le chien de garde s’appellera, au soir du 6 mai, Nicolas Paul Stéphane Sarközy de Nagy-Bocsa, descendant d’Attila, fléau de Dieu.
Bonne semaine, quand même !
Que la Force de l’esprit soit avec vous !

lundi 16 avril 2007

N° 33 – Attentats du 11/4 à Alger : La fourmi de dix-huit mètres

Une fourmi de dix-huit mètres
avec un chapeau sur la tête
ça n'existe pas, ça n'existe pas
Une fourmi traînant un char
plein de pingouins et de canards
ça n'existe pas, ça n'existe pas
Une fourmi parlant français
parlant latin et javanais
ça n'existe pas, ça n'existe pas
eh ! et pourquoi pas !
Robert Desnos

« À l’occasion de leur fusion les entreprises GICM et GSPC, qui ont constitué ensemble la nouvelle joint venture AQMI, viennent de lancer une nouvelle gamme de produits, 11/4, qui s’inscrivent dans la tradition des produits lancés par leur maison-mère, comme le 11/9 , le11/3 et le 07/07. D’autres produits devraient suivre dès le mois de mai, sous les nom 11/5, 11/6 etc…. »
Voilà, traduit en termes de communiqué d’une agence de presse financière, le résumé des événements qui ont ensanglanté le Maghreb la semaine dernière, à Casablanca puis Alger puis à nouveau Casablanca.
À Casablanca, ce sont divers « kamikazes » qui se sont faits sauter avec des ceintures d’explosifs, du mardi 11 avril au samedi 14 avril. Ils n’ont presque pas fait d’autres victimes qu’eux-mêmes et il semble bien qu’ils aient des amateurs, des désespérés ou des manipulés ou sans doute les deux.
À Alger, les choses sont été plus sérieuses et la double opération du mercredi 11 avril porte indubitablement la marque c’un professionnalisme certain. Il s’en est fallu de peu que le gratin de l’État, réuni au palais du gouvernement, ne soit atteint par la voiture piégée contenant plusieurs centaines de kilos d’explosifs qui a explosé, faisant en tout 33 morts. Une autre voiture pigée a explosé presque au même moment devant le siège de la Police judiciaire à Bab-Ezzouar.
Presque simultanément, à Bagdad, un kamikaze faisait intrusion au siège du parlement et se faisait sauter, emportant quelques députés dans la mort.
L’opération d’Alger a été revendiquée par un nouveau label, « Al Qaïda au Maghreb islamique » (AQMI), qui serait le résultat de la fusion de deux ou trois groupes maghrébins, le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) et le Groupe islamique combattant marocain (GICM).Comment le sait-on ? Eh bien, tous les « experts » s’accordent à le dire, et tout cela est revendiqué sur des sites internet. Donc, c’est vrai.
Désolé de vous décevoir, mais je crois que AQMI, comme la fourmi de 18 mères du regretté Robert Desnos, ça n’existe pas !
Le terrorisme islamiste apparu en Algérie au début des années 1990 et mondialisé à partir du 11 septembre 2001 est le fruit de la rencontre entre des individus révoltés, désespérés, fanatisés, au parcours souvent chaotique, et des services de renseignement chargés de la « guerre spéciale » contre-insurrectionnelle, qui autorise toutes les perversités et tous les coups tordus.Les services de renseignement algériens, autrefois appelés la Sécurité militaire et aujourd’hui le DRS, ont été des pionniers créatifs, appliquant et développant les enseignements des services spéciaux français, qui avaient créé des faux maquis pendant la guerre d’indépendance algérienne avant d’aller enseigner leurs techniques de torture, d’infiltration e d’intoxication aux militaires sud-américains, qui les appliquèrent avec brio pendant toutes années 70 et 80.
Dès avant le 11 septembre 2001, mais surtout après, on a vu une convergence entre les services de renseignement algériens, syriens, égyptiens, jordaniens, marocains, tunisiens, et mauritaniens d’une part et américains, israéliens, britanniques, canadiens, australiens, allemands, italiens, espagnols et français d’autre part, qui a pris diverses formes, allant de l’échange de renseignement opérationnels aux échanges d’agents doubles, ou triples ou quadruples, sans oublier bien sûr les coups fourrés qu’on se fait entre amis. L’infiltration de réseaux terroristes a évidemment débouché sur la manipulation de ces réseaux et dans certains cas, le montage pur et simple d’opérations explosives et meurtrières.
Un certain nombre de ces agents doubles, triples ou quadruples ont disparu sans laisser de traces. Citons-en quelques-uns : Ali Touchent, le fameux responsable des attentats en France de 1995, Abderrazak El Para, le fameux chef du GSPC, remis par le Tchad à l’Algérie et condamné en son absence par un tribunal algérien, Haroon Rachid, l’Indien arrêté pour sa responsabilité dans les attentats du métro londonien le 7 juillet 2005 et disparu depuis sans laisser d’adresse.
Certains sont opportunément « morts en détention », comme le responsable marocain de l’attentat de Casablanca contre un restaurant, ou dans un bombardement réussi, comme le fantomatique Abou Moussab Al Zarqaoui en Irak.
Tous les « onze » (11 septembre, 11 mars, 11 avril) posent une foule incroyable de questions, à ce jour sans réponses.Théorie du complot ? Je délire ? Alors, réfléchissez à ceci :
Comment une voiture piégée peut-elle approcher si près du Palais du gouvernement d’Alger un jour de réunion plénière du gouvernement ?
Comment trois bombes peuvent-elles exploser dans le métro londonien le jour même où a lieu dans ce même métro une opération de test visant à éprouver les mesures de sécurité ?
Comment se fait-il que la plupart des suspects des attentats du 11 mars à Madrid étaient des trafiquants de drogue et des indicateurs de police et que la femme de l’un d’eux avait sur elle le numéro de téléphone personnel du chef des services de renseignement espagnols ?
Je pourrais continuer à dévider les questions à cent Euro mais je préfère arrêter là pour parler un instant de politique.La question usuelle es celle-ci, encore et toujours : Cui Bono ? À qui profite le crime ?
Dans tous les cas, aux régimes en place et à leurs polices, qui prospèrent de plus belle depuis le 11 septembre, se retrouvant dotées de budgets, d’équipements, de prérogatives toujours plus importants.
Dans le cas des attentats de Casablanca et d’Alger des 10 et 11/4, ils interviennent à quelques jours de l’élection présidentielle française, à un mois des élections législatives algériennes (le 17 mai) et à quelques mois des élections législatives marocaines (juillet ou septembre).
En France, ces attentats sont du pain bénit pour un seul candidat : Sarkozy.
En Algérie, le DRS et le quarteron de généraux qui constituent le pouvoir de l’ombre ne craignent qu’une chose : que Boutelika, amoindri par son cancer, ne sacrifie certains d’entre eux, parmi les plus compromis dans la guerre sale des années 90 sur l’autel de la « respectabilité démocratique » pour faire plaisir à ses nouveaux amis de Washington.
Au Maroc, il s’agit pour les services royaux d’enrayer la réislamisation de la société, qui risque bien se traduire par un raz-de-marée électoral en faveur des « islamistes modérés » du PJD, balayant la gauche makhzénienne.
Et derrière tous ces théâtres de marionnettes locaux, se profile l’ombre du grand frère et grand tireur de ficelles, j’ai nommé le grand frère de Washington (siège du Pentagone), Langley, Virginie (siège de la CIA) et Stuttgart, Allemagne (siège d’AFRICOM, le nouveau commandement Afrique de l’armée US, lancé le 7 février dernier). Avec AFRICOM, les USA sont en train d'achever leur verrouillage du contrôle militaire de toute la planète. Rien de tel que quelques bons attentats pour convaincre le Congrès et le Sénat de voter les budgets pour alimenter ces machines voraces et leurs sous-traitants privés.
Qu’on me comprenne bien : je ne crois pas que les attentats de New York, Madrid, Casablanca ou Alger aient été décidés lors de réunions de conseils de ministres. Je ne crois pas non plus qu’ils aient été ouvertement ordonnés par des chefs quelconques se services secrets. Les complots de l’ère moderne sont beaucoup plus compliqués et sophistiqués que cela. Tout est dans les non-dits, que l’on laisse le soin aux subalternes d’interpréter dans le bon sens. Entre dire « continuez à surveiller ces gens-là », «n’intervenez pas pour arrêter cet attentat » et « donnez donc un petit coup de pouce pour que l’attentat ait lieu avant telle date », les frontières sont floues et les hommes de l’ombre ont toute latitude pour agir au mieux des intérêts du pays », c’est-à-dire des régimes en place et des clans contrôlant les services. Régimes et clans de copains, de coquins, et d'assassins.
Bonne semaine, quand même !
Que la Force de l’esprit soit avec vous !

lundi 9 avril 2007

N° 32 – « Blood, cash and lies » : une devise pour Tony Bliar, Roi des menteurs, Premier ministre du Royaume Voyou


« I have nothing to offer but blood, toil, tears, and sweat… » - Je n'ai à offrir que du sang, de la peine, des larmes et de la sueur…
Cette phrase célèbre, empruntée au poète John Donne, fut prononcée par Winston Churchill, qui venait d’être nommé Premier ministre, devant le Parlement britannique, le 13 mai 1940, trois jours après l'invasion de la France par Hitler.
Paraphrasant le gros Winston, Tony Bliar (Liar = menteur) pourrait dire à ses administrés et à ses soldats : « I have nothing to offer but blood, cash and lies »
Le sang, c’est celui de soldats de Sa Majesté qui meurent ou sont blessés en Irak et en Afghanistan, dans une guerre qui n’est pas la leur. Une guerre qui fait de plus en plus grincer les dents dans les rangs, notamment dans les bataillons écossais.
Le cash, ce sont le sommes astronomiques versées par les tabloïds aux « héros » du HMS Cornwall, les marins britanniques qui ont passé treize petites journées comme prisonniers de luxe de l’Iran, pour qu’ils racontent leurs sornettes. La fameuse Faye Turney semble avoir battu les records en vendant son histoire au Sun et à ITV pour 100 000 Livres (= 150 000 €)
Les mensonges, ce sont les innombrables actes de traîtrise commis par Tony Bliar depuis qu’il est Premier ministre. Citons-en quelques-uns, juste pour rafraîchir les mémoires :
- le fameux discours à la Chambre des Communes où Tony Bliar prétendit que l’Irak disposait d’une capacité de riposte – en cas d’attaque - par des armes de destruction massive en… 45 minutes. Un mensonge tiré d’une thèse de doctorat d’un obscur Irakien, qui mit Tony Bliar sur le premier rang des Gros menteurs, à côté du malheureux Colin Powell, auteur d’un non moins célèbre discours de menterie devant les Nations unies sur les introuvables « armes de destruction massive » de l’Irak.- la remise de « présumés terroristes » algériens au régime algérien, qui s’est empressé de les emprisonner et de les faire torture. Ces « présumés » avaient au préalable étaient emprisonnés et soumis à la torture blanche pendant presque cinq ans, sans inculpation. Le gouvernement de Tony Bliar a concocté un « accord » avec le régime algérien, par lequel celui-ci s’engageait à mi-mot à ne pas les torturer. On savait ce que vaut la parole d’un général algérien. Celle d’un Premier ministre britannique ne vaut désormais guère plus.
- La livraison par le MI5 de deux réfugiés, l’Irakien Bisher Al Rawi et le Jordanien Jamil El Banna, à la CIA, en 2002. Les deux hommes furent cueillis à leur arrivée à l’aéroport de Banjul, en Gambie, où ils venaient pour affaires, sur dénonciation des services secrets de Sa Majesté, et ont été emprisonnés à Guantanamo. Bisher Al Rawi vient d’en sortir après quatre ans et demi, Jamil El Banna est toujours détenu.
- L’étrange disparition de Haroon Rachid, un Indien accusé d’avoir organisé les attentats du 7 juillet 2005 dans le métro de Londres. Cet homme, recherché par le FBI depuis des années, avait pu se déplacer librement entre l’Angleterre, les États-Unis, l’Afrique du Sud, la Zambie et le Pakistan, pour une simple raison : il était un agent du MI5, chargé de recruter des « jihadistes » à partir de la mosquée de Finsbury Park, où il faisait équipe avec deux autres personnages pittoresques, Abou Hamza El Masry, l’ « imam-crochet » égyptien, et Omar Bacri, le « spécialiste » syrien. Haroon Rachid, arrêté en Zambie quelques semaines après le 7 juillet, est livré à la Grande-Bretagne, mis en prison jusqu’à la mi-août puis disparaît dans la nature. Impossible de savoir où il se trouve aujourd’hui. Sans aucun doute, le MI5 l’a doté d’une nouvelle identité et lui a offert une « nouvelle vie » quelque part dans le monde. Comme il avait offert de le faire à Jamil El Banna en octobre 2002, en lui demandant d’espionner des « islamistes » pour le compte des services, ce que l’homme avait refusé. Résultat : un aller simple pour Guantanamo.
On pourrait allonger indéfiniment cette liste noire.
Tony Bliar est bien le digne successeur de Winston Churchill, auquel il n’arrive cependant qu’à la cheville. Winston, lui, au moins, s’était battu physiquement pour la défense de son Empire, de la Birmanie au Soudan, en passant par l’Afrique du Sud et la France. Et les quelques dizaines de morts britanniques des guerres actuelles d’Afghanistan et d’Irak sont peu de choses –somme toute faite – à côté des 144 000 morts et blessés de la catastrophique Expédition des Dardanelles organisée par Churchill en 1915. Tony Bliar, lui, envoie les « boys & girls » au casse-pipe et reste bien au chaud à Downing Street.
Il y a un point commun entre Winston et Tony : ils ont tous les deux organisé et couvert des crimes de guerre, commis pratiquement aux mêmes endroits à 90 ans de distance. En effet, en 1915, Churchill ordonna des bombardements avec des armes chimiques contre les populations civiles de l’Irak que l’Empire tenait de reconquérir, se heurtant à une résistance irakienne, tout aussi farouche alors qu’aujourd’hui.
Le mensonge est devenu la règle pour les soldats de son arrogante Majesté. Ainsi l’affaire des marins du HMS Cornwall, dont l’un, le capitaine Chris Air, a dit noir avant sa capture et blanc après. Avant : dans une interview à Sky News, il reconnaît ouvertement que sa mission et celle de ses camardes est d’espionner – « to gather intelligence », recueillir des renseignements. Après : dans une déclaration dictée par le ministère de la Défense, il affirme avoir été intercepté par les Iraniens au cours d’une « opération de routine dans le cadre d’une mission sous mandat de l’ONU ».
Il est bien fini le temps où la flotte de Sa Très Arrogante Majesté cinglait les océans pour assurer la « libre circulation » des navire transportant dans un sens les matières premières pillées aux colonies de l’Empire sur lequel le soleil ne se couchait jamais, et dans l’autre sens, les produits manufacturés que les colonisés avaient l’obligation d’acheter. L’homme qui s’était levé contre cette injustice planétaire, le Mahatma Gandhi avait été traité par Churchill de « fakir à demi-nu ». Et lorsque les Britanniques avaient emprisonné Gandhi en 1943, le gros Winston avait donné un ordre clair : « s’il fait une grève de la faim, laissez-le mourir ». Mais Gandhi avait au moins autant d’humour que le fumeur de cigare. Un journaliste britannique lui demandait à sa descente d’avion à Londres quelques années plus tard : «Que pensez-vous de la civilisation britannique ?» Gandhi : « C’est une bonne idée ».

Churchill s’est refait une virginité et est entré dans l’histoire comme un héros grâce à sa capacité d’organiser la résistance britannique à Hitler.

Bliar entrera dans (les poubelles de) l’histoire comme le Roi des menteurs et le Premier ministre d’un « Rogue Kingdom », un Royaume voyou.

Winston a été fait Chevalier de l’Ordre de la Jarretière en 1953. Cet ordre de chevalerie fondé par Édouard III, le sanguinaire occupant de la France, qui déclencha la Guerre de Cent Ans (qui en dura 116), a pour devise « Honni soit qui mal y pense ». Tony Bliar ne fait toujours pas partie de ses 1000 membres et ne risque pas de le devenir.

lundi 2 avril 2007

N°31 - Le crocodile n’est fort que dans l’eau


Cette semaine, je cède la parole à Akam Akamayong, qui commente ce proverbe africain : "Le crocodile n’est fort que dans l’eau".
Le proverbe [pan]africain - source inconnue mais très répandu en Afrique - met en avant un principe inhérent à nombre de représentations africaines du monde, le principe selon lequel le vivant serait ontologiquement frappé d’une limite, limite qui elle-même appelle à une instrumentalisation stratégique.

Toute chose, tout être, toute manifestation, toute cause admet une limite. A commencer par la force, la puissance. L’image du crocodile, considéré comme redoutable si ce n’est invincible dans l’eau, donne hors de l’eau le spectacle décevant d’une forme disgracieuse se traînant lamentablement par terre, la démarche lourde et poussive.
Le contraste entre force d’un côté et faiblesse de l’autre dans le même phénomène, le même animal est très parlant. Toute force est relative, d’abord à son environnement qui la conditionne. Naturellement en parlant du crocodile, c’est des humains qu’il s’agit, de leurs puissances, performances, résultats, issues sociales, tous in fine relatifs …

La conséquence qui se dégage de cette énonciation est éminemment stratégique, s’appliquant à tous les champs des activités humaines sanctionnés par des performances comparatives. Cela peut aller de la guerre à la concurrence économique, politique, mais il pourrait bien s’agir de développement personnel, collectif en interaction avec un milieu disputé…

Même la plus grande puissance au monde a ses points faibles, mais elle a d’abord son eau dans laquelle elle sera imbattable, comme les attaques américaines aériennes, de nuit, perpétrées par des aviations entraînées et à la supériorité technique avérée. A l’opposé des combats au sol, à la merci d’attaques individuelles ciblées et inopinées, guérillas urbaines…
Une déclinaison du proverbe pourrait revenir à la règle de ne jamais attaquer un ennemi sur le terrain de celui-ci, règle que Sun Tse ne renierait pas, lui le célèbre auteur du livre culte écrit vers le Vème siècle avant Jésus-Christ, L’Art de la guerre.

D’un point de vue économique, il y a des limites à la compétitivité et pour remporter une partie, un marché, des exportations, etc., il faudrait ne pas se battre sur le terrain d’excellence du concurrent. Chacun aura sa place pour peu qu’il se positionne sur son point fort. On entrevoit ici des stratégies de différenciation des produits permettant aux entreprises d’échapper à la captation des grandes entreprises, utilisant les prix, les design, les promotions, l’image, l’éthique, pour sortir du domaine de captation du concurrent.

Il existe donc toujours un domaine où l’on peut gagner puisque même le plus fort à ses limites, ses vulnérabilités. Connaître les points faibles du concurrent fait ainsi partie de la compétition, autant que connaître ses propres points forts et points faibles. Connaître tout court fait partie de la compétition et est une arme indispensable à la victoire.

Si des pays comme Taiwan, Singapour, la Corée du Nord ou la Chine ont raflé des parts de marché aux plus grands, c’est parce qu’ils ont découvert les points faibles, les créneaux par lesquels ils pouvaient émerger. Ciblant d’abord des produits peu technologiques sur lesquels ils étaient avantagés, ils ont développés des stratégies de prix impossibles pour les pays développés…sortis ainsi de leurs eaux.

Dans le domaine des arts et de la musique, les 1er Gaou, Yekeke, Ancien combattant, hits africains ayant conquis le show biz européen auront mieux fait que de s’essayer à imiter la variété européenne, ils n’ont pas suivi le reptile sur son territoire.
Si le crocodile n’est fort que dans l’eau, alors il ne l’est plus dans le sable ; s’il était attaquable ce serait bien dans ces terres, ces sables qui ne l’avantagent guère. Les pays occidentaux maîtrisent les échanges de biens technologiques et à forte valeur ajoutée. Les NPI (nouveaux pays industrialisés) se sont d’abords spécialisés dans les biens à faible valeur ajoutée avant de diversifier la structure de leurs produits exportés.
L’art de la guerre c’est, en amont, découvrir les faiblesses de l’adversaire et en aval l’entraîner à combattre hors de son terrain. Chaque chose ayant sa limite bien sûr !
Source :
http://www.afrikara.com/index.php?page=contenu&art=1455&PHPSESSID=ccfa4649d04dad32a84095d271aa5bd2
Bonne semaine, quand même !
Que la Force de l’esprit soit avec vous !