Une fourmi de dix-huit mètres
avec un chapeau sur la tête
ça n'existe pas, ça n'existe pas
Une fourmi traînant un char
plein de pingouins et de canards
ça n'existe pas, ça n'existe pas
Une fourmi parlant français
parlant latin et javanais
ça n'existe pas, ça n'existe pas
eh ! et pourquoi pas !
Robert Desnos
« À l’occasion de leur fusion les entreprises GICM et GSPC, qui ont constitué ensemble la nouvelle joint venture AQMI, viennent de lancer une nouvelle gamme de produits, 11/4, qui s’inscrivent dans la tradition des produits lancés par leur maison-mère, comme le 11/9 , le11/3 et le 07/07. D’autres produits devraient suivre dès le mois de mai, sous les nom 11/5, 11/6 etc…. »
Voilà, traduit en termes de communiqué d’une agence de presse financière, le résumé des événements qui ont ensanglanté le Maghreb la semaine dernière, à Casablanca puis Alger puis à nouveau Casablanca.
À Casablanca, ce sont divers « kamikazes » qui se sont faits sauter avec des ceintures d’explosifs, du mardi 11 avril au samedi 14 avril. Ils n’ont presque pas fait d’autres victimes qu’eux-mêmes et il semble bien qu’ils aient des amateurs, des désespérés ou des manipulés ou sans doute les deux.
À Alger, les choses sont été plus sérieuses et la double opération du mercredi 11 avril porte indubitablement la marque c’un professionnalisme certain. Il s’en est fallu de peu que le gratin de l’État, réuni au palais du gouvernement, ne soit atteint par la voiture piégée contenant plusieurs centaines de kilos d’explosifs qui a explosé, faisant en tout 33 morts. Une autre voiture pigée a explosé presque au même moment devant le siège de la Police judiciaire à Bab-Ezzouar.
Presque simultanément, à Bagdad, un kamikaze faisait intrusion au siège du parlement et se faisait sauter, emportant quelques députés dans la mort.
L’opération d’Alger a été revendiquée par un nouveau label, « Al Qaïda au Maghreb islamique » (AQMI), qui serait le résultat de la fusion de deux ou trois groupes maghrébins, le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) et le Groupe islamique combattant marocain (GICM).Comment le sait-on ? Eh bien, tous les « experts » s’accordent à le dire, et tout cela est revendiqué sur des sites internet. Donc, c’est vrai.
Désolé de vous décevoir, mais je crois que AQMI, comme la fourmi de 18 mères du regretté Robert Desnos, ça n’existe pas !
Le terrorisme islamiste apparu en Algérie au début des années 1990 et mondialisé à partir du 11 septembre 2001 est le fruit de la rencontre entre des individus révoltés, désespérés, fanatisés, au parcours souvent chaotique, et des services de renseignement chargés de la « guerre spéciale » contre-insurrectionnelle, qui autorise toutes les perversités et tous les coups tordus.Les services de renseignement algériens, autrefois appelés la Sécurité militaire et aujourd’hui le DRS, ont été des pionniers créatifs, appliquant et développant les enseignements des services spéciaux français, qui avaient créé des faux maquis pendant la guerre d’indépendance algérienne avant d’aller enseigner leurs techniques de torture, d’infiltration e d’intoxication aux militaires sud-américains, qui les appliquèrent avec brio pendant toutes années 70 et 80.
Dès avant le 11 septembre 2001, mais surtout après, on a vu une convergence entre les services de renseignement algériens, syriens, égyptiens, jordaniens, marocains, tunisiens, et mauritaniens d’une part et américains, israéliens, britanniques, canadiens, australiens, allemands, italiens, espagnols et français d’autre part, qui a pris diverses formes, allant de l’échange de renseignement opérationnels aux échanges d’agents doubles, ou triples ou quadruples, sans oublier bien sûr les coups fourrés qu’on se fait entre amis. L’infiltration de réseaux terroristes a évidemment débouché sur la manipulation de ces réseaux et dans certains cas, le montage pur et simple d’opérations explosives et meurtrières.
Un certain nombre de ces agents doubles, triples ou quadruples ont disparu sans laisser de traces. Citons-en quelques-uns : Ali Touchent, le fameux responsable des attentats en France de 1995, Abderrazak El Para, le fameux chef du GSPC, remis par le Tchad à l’Algérie et condamné en son absence par un tribunal algérien, Haroon Rachid, l’Indien arrêté pour sa responsabilité dans les attentats du métro londonien le 7 juillet 2005 et disparu depuis sans laisser d’adresse.
Certains sont opportunément « morts en détention », comme le responsable marocain de l’attentat de Casablanca contre un restaurant, ou dans un bombardement réussi, comme le fantomatique Abou Moussab Al Zarqaoui en Irak.
Tous les « onze » (11 septembre, 11 mars, 11 avril) posent une foule incroyable de questions, à ce jour sans réponses.Théorie du complot ? Je délire ? Alors, réfléchissez à ceci :
Comment une voiture piégée peut-elle approcher si près du Palais du gouvernement d’Alger un jour de réunion plénière du gouvernement ?
Comment trois bombes peuvent-elles exploser dans le métro londonien le jour même où a lieu dans ce même métro une opération de test visant à éprouver les mesures de sécurité ?
Comment se fait-il que la plupart des suspects des attentats du 11 mars à Madrid étaient des trafiquants de drogue et des indicateurs de police et que la femme de l’un d’eux avait sur elle le numéro de téléphone personnel du chef des services de renseignement espagnols ?
Je pourrais continuer à dévider les questions à cent Euro mais je préfère arrêter là pour parler un instant de politique.La question usuelle es celle-ci, encore et toujours : Cui Bono ? À qui profite le crime ?
Dans tous les cas, aux régimes en place et à leurs polices, qui prospèrent de plus belle depuis le 11 septembre, se retrouvant dotées de budgets, d’équipements, de prérogatives toujours plus importants.
Dans le cas des attentats de Casablanca et d’Alger des 10 et 11/4, ils interviennent à quelques jours de l’élection présidentielle française, à un mois des élections législatives algériennes (le 17 mai) et à quelques mois des élections législatives marocaines (juillet ou septembre).
En France, ces attentats sont du pain bénit pour un seul candidat : Sarkozy.
En Algérie, le DRS et le quarteron de généraux qui constituent le pouvoir de l’ombre ne craignent qu’une chose : que Boutelika, amoindri par son cancer, ne sacrifie certains d’entre eux, parmi les plus compromis dans la guerre sale des années 90 sur l’autel de la « respectabilité démocratique » pour faire plaisir à ses nouveaux amis de Washington.
Au Maroc, il s’agit pour les services royaux d’enrayer la réislamisation de la société, qui risque bien se traduire par un raz-de-marée électoral en faveur des « islamistes modérés » du PJD, balayant la gauche makhzénienne.
Et derrière tous ces théâtres de marionnettes locaux, se profile l’ombre du grand frère et grand tireur de ficelles, j’ai nommé le grand frère de Washington (siège du Pentagone), Langley, Virginie (siège de la CIA) et Stuttgart, Allemagne (siège d’AFRICOM, le nouveau commandement Afrique de l’armée US, lancé le 7 février dernier). Avec AFRICOM, les USA sont en train d'achever leur verrouillage du contrôle militaire de toute la planète. Rien de tel que quelques bons attentats pour convaincre le Congrès et le Sénat de voter les budgets pour alimenter ces machines voraces et leurs sous-traitants privés.
Qu’on me comprenne bien : je ne crois pas que les attentats de New York, Madrid, Casablanca ou Alger aient été décidés lors de réunions de conseils de ministres. Je ne crois pas non plus qu’ils aient été ouvertement ordonnés par des chefs quelconques se services secrets. Les complots de l’ère moderne sont beaucoup plus compliqués et sophistiqués que cela. Tout est dans les non-dits, que l’on laisse le soin aux subalternes d’interpréter dans le bon sens. Entre dire « continuez à surveiller ces gens-là », «n’intervenez pas pour arrêter cet attentat » et « donnez donc un petit coup de pouce pour que l’attentat ait lieu avant telle date », les frontières sont floues et les hommes de l’ombre ont toute latitude pour agir au mieux des intérêts du pays », c’est-à-dire des régimes en place et des clans contrôlant les services. Régimes et clans de copains, de coquins, et d'assassins.
Bonne semaine, quand même !Que la Force de l’esprit soit avec vous !
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