Le diable Bush : peinture murale à Cucuta, à la frontière Colombie-Venezuela. Photo Paul W. Thoreson
La semaine passée, nous avons tous été les témoins de trois moments magiques : à New York, les discours d’Hugo Chavez et Mahmoud Ahmadinejad et à Beyrouth, le discours d’Hassan Nasrallah lors du « Festival de la victoire divine ».
Ces trois hommes, le Vénézuélien, l’Iranien et le Libanais, sont les éclaireurs de l’immense armée des ombres qui, à travers la planète, se forme pour affronter l’Empire, dirigé par les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse (Bush, Cheney, Rumsfeld et Condoleeza).
Non, n’en déplaise à Mister Fukuyama, l’histoire n’est pas finie et l’ « american way » n’est pas la seule solution pour l’humanité.
Les discours prononcés par les trois nouveaux héros de notre temps vont tous dans le même sens : il faut –et on peut - combattre la prétention de l’Empire à tout diriger, à tout régenter, à tout décider. Et ces discours ne sont pas des paroles en l’air : ils s’appuient sur une réalité visible à l’œil nu.
Cette réalité, c’est que l’Empire va de défaite en défaite : en Afghanistan, en Iraq, au Liban et en Palestine, il n’a subi ces derniers temps que des échecs. Face à la résistance du Venezuela, de la Bolivie, de l’Iran, il se casse les dents. À trop tirer sur la corde avec ses « alliés » européens, il va finir par la casser. Et il a quelques difficultés à imposer ses vues à la Russie et à la Chine, qui sont dirigées par de vrais renards.
Bref, les Cavaliers de l’Apocalypse sont de plus en plus isolés sur le plan mondial et ils ne pourront bientôt plus compter sur le Caniche en Chef, Tony Blair, qui va bientôt quitter Downing Street, pour rejoindre Berlusconi et Aznar dans les poubelles de l’histoire. Et ce n’est pas avec les Iles Marshall, la Pologne,l’Ukraine, le Danemark et l’Albanie qu’ils pourront continuer dans leur projet d’hégémonie totale.
Le monde est donc entré dans une nouvelle période révolutionnaire. Et la révolution qui s’avance a le profil d’un « étrange soldat », comme le dit une vieille chanson italienne. Ce soldat ne correspond à aucune des anciennes catégories : il n’est ni nationaliste, ni communiste, ni islamiste. Il est à la fois tout cela et rien de tout cela.
Le nouveau combattant engagé contre l’Empire est attaché à sa terre natale ou d’adoption mais il est en même temps citoyen du monde, connecté en temps réel avec le reste de la planète.
Le nouveau combattant parle sa langue maternelle mais il en connaît au moins une autre.
Le nouveau combattant défend les traditions de son peuple, mais il est conscient de ce que le monde est divers, et qu’il faut donc construire un « monde contenant tous les mondes ».
Le Festival de la Victoire de Beyrouth, le vendredi 22 septembre, illustre bien cela : il y avait là un million de Libanais –soit le quart de la population du pays – et ils appartenaient à toutes les communautés (17) et tendances qui forment le puzzle libanais : chiites, sunnites, chrétiens de diverses confessions, druzes, mais aussi communistes, nationalistes, nassériens et autres.
C’est que le nouveau combattant n’appartient pas à une avant-garde autoproclamée, censée apporter la vérité au peuple. Il est à l’écoute de son peuple, car il est issu de la multitude. Et il sait que la colonne de guérilla doit avancer au rythme de son membre le plus lent.
Bien sûr, l’Empire garde encore une capacité de nuisance et de destruction considérable. Les stratèges du Pentagone planchent depuis des années sur la stratégie et la tactique à adopter face à la nouvelle révolution mondiale en marche, à la manière d’adapter les théories de la guerre contre-insurrectionnelle à la nouvelle situation de ce début de siècle. Militaires usaméricains et israéliens ont des échanges intensifs sur leurs expériences respectives, à Jénine, Naplouse, Gaza, Falloujah, Bakouba, Bassorah et Bagdad. Ils ont inventé le concept de « caporal stratégique » : un soldat polyvalent et bardé d’électronique, qui soit à même d’intervenir dans le cadre des « MOUT » (Military Operations in Urban Territory), en s’adaptant aux circonstances, très rapidement changeantes. Bref, un mélange de Robocoop et de guérillero.
Mais quoiqu’ils fassent, ils restent enfermés dans leurs schémas et leurs lourdeurs bureaucratiques et ne seront jamais capables d’opposer des ripostes efficaces à une résistance très mobile, multiforme, enracinée dans la population et connectée au reste du monde.
L’Empire n’est certes pas mort, mais l’Empereur, désormais, est nu. Plus personne ne croit à sa démocratie imposée par des bombes au phosphore, à l’uranium appauvri ou à fragmentation. Et sa propagande dérisoire contre « l’islamo-fascisme » a de moins en moins de prise sur les multitudes. L’idéal serait évidemment que l’Empire meure tout simplement de ridicule, ce qui nous épargnerait bien du sang et des larmes. Mais le ridicule peut-il encore tuer ? Je vous laisse réfléchir à cette question.
Bonne semaine, quand même !
Que la Force de l’esprit soit avec vous !
Ayman El Kayman