lundi 27 novembre 2006

N° 17 – Paris, 23 novembre 2006 : un fait divers « mondialiste »

Les joueurs du Hapoel avec leurs supporters, jeudi soir à Boulogne

« Le football, ce n’est pas la guerre » (Nicolas Sarkozy)
Le jeudi 23 novembre 2006, vers 23 heures, un fait divers sanglant a eu lieu à Paris, qui illustre on ne peut mieux que si nous vivons dans un seul monde, l’humanité a encore beaucoup de chemin à faire pour instaurer la fraternité.
Les faits : suite au match de football entre le Paris Saint-Germain et le Hapoel Tel Aviv, gagné par ce dernier par 4 buts à 2, au stade de Boulogne (dans l’ouest de Paris), le noyau dur des supporters extrémistes du PSG s’est livré comme à son habitude aux violences et dégradations dont il est coutumier et à la chasse aux supporters de l’équipe adverse. Le drame s’est noué devant le MacDonald’s de la Porte de Saint-Cloud. Un supporter juif, menacé par les hooligans des « Boulogne Boys », s’est réfugié derrière un policier martiniquais, lequel a fait usage de son arme pour se défendre. Un supporter arabe du PSG a eu le poumon perforé et un supporter breton a été tué.
Les circonstances : 25 000 personnes assistaient au match. Environ 15 000 étaient des supporters de l’équipe israélienne. Les hooligans massés dans le « kop Boulogne » étaient quelques centaines. 750 policiers , dont certains à cheval, étaient déployés tout autour du stade. Tous les témoignages concordent : du début à la fin du match, le « slogan » le plus crié par les hooligans était « Enculés de juifs ». Le supporter pro-israélien menacé par les hooligans, Yanniv Hazout, 23 ans, n’était pas un fanatique : depuis sa tendre enfance, il était un supporter du PSG et il soutenait donc ce soir-là les deux équipes. Les hooligans réputés négrophobes, arabophobes et judéophobes, ne sont pas tous des Blancs : il y a parmi eux bon nombre de membres des minorités visibles ou invisibles. Bref, les supporters, y compris les hooligans, sont à l’image de l’équipe qu’ils soutiennent : « Blacks, Blancs, Beurs », n’en déplaise à Messieurs Finkielkraut et Frêche. Le PSG, tout comme le Hapoel et la plupart des équipes de foot « européennes », est multiethnique et multiculturel. Sur le terrain de Boulogne ce soir-là, il y avait, côté PSG : 1 Ivoirien, 1 Congolais, 1 Antillais, 1 Sénégalais, 1 Portugais, 1 Uruguayen et 1 Brésilien. Côté Hapoel, il y avait : 2 Palestiniens (qui ont d’ailleurs marqué 3 des 4 buts), 1 Nigérian, 1 Espagnol et 1 Brésilien.
Sur les 150 supporters excités qui avaient pris en chasse Yanniv, seule une petite vingtaine s’est acharnée sur les vitrines du MacDo où Antoine Granomort, le policer martiniquais, s’était réfugié avec son protégé. Ce jeune policer (30 ans) était en civil. Appartenant à la brigade du métro, il était ce soir-là chargé de la surveillance des voitures de police garées tout autour de la Porte de Saint-Cloud. Les hooligans l’ont d’abord pris pour un « Juif du Bêtar » (un Falasha sans doute) avant de comprendre qu’il était un policier.
Débordé et paniqué, le policier a mis plusieurs minutes à appeler des renforts par son talkie-walkie. Il a tiré une seule balle, qui a traversé Mounir Bouchaer, 26 ans, avant d’atteindre Julien Quemener, 26 ans, au cœur. Le skinhead (il avait en tout cas le crâne rasé), est mort très rapidement. Les secours ne sont arrivés qu’après une dizaine de minutes. Yanniv Hazout, qui avait pendant ce temps pris la poudre d’escampette, a contacté la police dès qu’il a su ce qui s’était passé.
Les méchants dans cette histoire sont les hooligans, qui ont perdu un des leurs. Il y a eu un consensus total pour les condamner et approuver le geste de « légitime défense » du policier, qui n’a d’ailleurs pas été mis en examen et ne sera donc pas poursuivi par la justice. Aucune voix critique ne s’est élevée pour poser les questions suivantes :
1° - Comment se fait-il que la police parisienne, qui les connaît tous par leurs noms et prénoms, ne soit pas intervenue plus tôt pour neutraliser – sans les tuer – les plus excités des hooligans ?
2° - Instruite par les expériences précédentes, pourquoi la police n’a-t-elle pas pris toutes les mesures nécessaires pour assurer que ce match à très haut risque se déroule calmement ? Dès les résultats du match connu – une défaite du PSG – on pouvait s’attendre à ce que certains des supporters parisiens expriment leur frustration de manière violente.
Au-delà, on peut poser une autre question :
Mais que fichent donc les équipes israéliennes dans la coupe UEFA ? Depuis quand Israël fait-il partie de l’Europe ? (J’entends une voix qui me murmure la réponse : « depuis 1948 »).

La politique de la tribune vide
Les réactions du ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy et des dirigeants du PSG sont celles-la mêmes qu’on pouvait prévoir. Le ministre a réuni samedi le président du PSG, celui de la Ligue de football professionnel et des représentants de six associations de supporters du club de Ligue 1, dont des délégués des fameux "Boulogne Boys" Voici ce que rapporte la presse :
La mesure la plus spectaculaire annoncée par Nicolas Sarkozy est l'obligation faite au PSG de ne vendre des billets qu'aux associations de supporters "officielles". "Le restant des places ne sera pas mis en vente", a dit Nicolas Sarkozy. "Nous préférons tous voir certaines tribunes vides que de les voir remplies avec des gens indésirables." Le ministre a demandé au préfet de police de Paris, Pierre Mutz, de dresser pour la semaine prochaine une liste complémentaire d'interdictions administratives d'entrée dans le stade du PSG. Elles sont déjà au nombre de 70. Nicolas Sarkozy et le ministre des Sports, Jean-François Lamour, qui assistait à la réunion, ont demandé au président de la Ligue, si cela ne suffisait pas, de prendre des sanctions pouvant aller jusqu'à faire jouer des matches à huis clos. Le ministre de l'Intérieur a dit que l'arsenal répressif du gouvernement serait complété début décembre avec la promulgation de décrets d'application autorisant la dissolution des associations de supporters qui ne collaboreraient pas avec la justice et la police pour éradiquer la violence et le racisme.
"Nous voulons la paix dans nos tribunes. Le football, ce n'est pas la guerre", a-t-il dit, ajoutant que ces mesures "d'application immédiate" ne feront l'objet "d'aucune exception" parce que "ce n'est pas simplement le PSG qui est en cause" mais "l'ensemble du football".
Frédéric Thiriez (président de la Ligue de football professionnel) : « Dans la situation qui est la nôtre, la seule réponse est la fermeté. Nous avons compris que le dialogue est indispensable mais il n'exclut pas la fermeté. Le football ne doit pas être la guerre mais une fête. Dans l'environnement de nos clubs il y a des groupes violents, antisémites, racistes qui n'ont rien à faire dans le football. »
Alain Cayzac (président du PSG) : « Ces mesures auraient dû être prises depuis longtemps mais j'adhère à tout ce qui a été décidé. Tout le monde a pris conscience de la gravité de la situation. L'enjeu est la survie du PSG, le PSG est en danger. Tout ce qui s'est passé a terni l'image du PSG. J'ai exprimé mon désir que des mesures radicales soient prises pour éradiquer le fléau du racisme, de l'antisémitisme au PSG. Je préfère des tribunes vides mais avec des gens correspondant aux valeurs du club. Il n'y a pas que l'aspect financier qui compte. Si je n'arrive pas à éradiquer les problèmes de violences, je saurai en tirer les conséquences. »
Le football, ce n’est pas la guerre ? Vraiment ? Alors, c’est quoi ?
Interdits de stade, les hooligans vont-ils rester sagement chez eux les soirs de match, pour le regarder à la télé ou, au contraire, viendront-ils foutre le bordel autour des stades ? Et si, au lieu de les exclure, on cherchait à les inclure, en leur proposant des activités où ils pourraient canaliser leur énergie débordante et déconstruire leurs délires guerriers ?
Enfin, mon avis personnel, qui est, je le reconnais, celui d’un footballophobe viscéral : et si la solution était, plutôt que de vider les tribunes, de vider…les terrains ? Je sais, je sais, je rêve.
Bonne semaine, quand même !
Que la Force de l’esprit soit avec vous !
Ayman El Kayman
27 novembre 2006

lundi 20 novembre 2006

N° 16 – Marie-Chantal et le Nain, un conte du 21ème siècle

Année 2227. Ayman El Kayman, vieillard âgé de 300 ans, a réuni autour de lui, comme chaque semaine, sa nombreuses progéniture, au bord du marigot où il vit et transmet aux petits caïmanaux son savoir séculaire, sous forme de petits contes pédagogiques.
C’était il y a 220 ans, dans un pays aujourd’hui disparu qui s’appelait la Rance. Les Ranciens, les habitants de ce pays, pratiquaient alors un rite étrange qui allait bientôt disparaître, mais cela, ils ne le savaient pas encore. Ce rite s’appelait « élections ». Rien à voir avec l’électricité, ni avec Sion, non, non. Il s’agissait de glisser dans des boîtes cubiques appelées urnes une enveloppe fermée contenant un papier distribué gratuitement – à cette époque, le papier était encore gratuit. Sur ce papier était marqué un nom. À la fin de la cérémonie, qui avait lieu dans tout le pays et jusque dans ses plus lointaines dépendances, on ramassait et on ouvrait toutes les enveloppes, on comptait les papiers et les « résultats » étaient proclamés. Ceux qui avaient eu le plus de petits papiers étaient, comme disait alors, « élus » pour « représenter le peuple ». C’est-à-dire qu’ils devenaient pour une période déterminée des sortes de rois, princes, satrapes, gouverneurs et caïds. Ils touchaient pour cela beaucoup d’autres petits papiers, qu’on appelait de l’argent et pouvaient mener une belle vie, faite de bonne chère, de grosses voitures –c’est ainsi qu’on appelait de drôles de cercueils ambulants métalliques qui sentaient mauvais – et de plaisirs divers. En échange, ils écrivaient ou appliquaient des « lois », des « décrets », des « réglementations », par lesquelles la vie des gens était organisée et décidée dans ses moindres détails. Ce système a fini par s’effondre et disparaître en 2101, lorsque la NAM (Nouvelle Alliance Mondiale) a instauré le NOM (Nouvel Ordre Mondial), qui a vu disparaître tous les « États », toutes les « armées » et tous les » gouvernements », remplacés par des « escargots », qui sont les structures d’autogestion locale adoptées désormais par toute l’humanité et même par les habitants d’autres planètes de la Galaxie.
Mais en 2007, on n’en était pas encore là.
Ce qu’on appelait donc les élections, c’était une sorte de course d’obstacles. Mais tout le monde ne pouvait pas y participer. Il fallait d’abord être « citoyen rancien ». Ensuite, il fallait avoir un casier judicaire plus ou moins vierge. Et puis, il fallait avoir l’investiture d’un « parti ». Ah, les « partis », mes enfants, vous vous demandez ce que ça pouvait bien être. Essayons d’expliquer. Chaque prince, chaque satrape, chaque caïd en avait un. Chacun avait une couleur, un symbole, un programme, bref était un petit « État » à lui tout seul. Tous ces « partis » se faisaient la guerre entre eux, et à l’intérieur de chaque « parti », les satrapes et les aspirants satrapes se faisaient la guerre entre eux, chacun ayant son « état-major », ses « troupes » et ses « conseillers ».
Donc, vers la fin de l’an de grâce 2006, la Rance sembla prise de folie. Les deux principaux partis devaient choisir chacun son candidat. D’un côté, du côté droit, l’Union des Mollassons Pantouflards semblait décidée à choisir un Nain magyar qui se prenait pour la réincarnation de Napoleone Buonaparte, un aventurier corse qui s’était proclamé Empereur des Ranciens 200 ans plus tôt. De l’autre côté, du côté gauche, le Parti sioniste, avait procédé à un premier « vote » et avait choisi, entre trois candidats une femme, Marie-Chantal, surnommée « Royale Canine » par les uns –ceux qu’elle ne faisait pas fantasmer- et « la Madone des sleepings » par les autres –ceux qu’elle faisait, aussi incroyable que cela puisse paraître , fantasmer.
Cette femme avait choisi pour triompher la méthode dite post-moderne de faire de la « politique ». Elle faisait interroger tous les jours des citoyens par un institut de « sondage » dirigé par une amie d’enfance et elle adaptait ses discours à ce que répondaient la majorité des sondés. Tout cela ne se passait plus dans des salles où les gens étaient réunis physiquement, comme cela avait été le cas auparavant, mais uniquement dans le monde virtuel, « inter-nette ». À l’époque, les Ranciens s’était rués en masse vers ce nouveau moyen de communication, un mélange de télévision, de machine à écrire et de téléphone, qui permettait , comme on disait de « communiquer » sans se voir ni s’entendre.
Donc, en gros, Marie-Chantal avait inventé le « do it yourself » en politique. Finis les théories, les programmes, les objectifs pour lesquels il s’agissait de convaincre les gens. Non, il suffisait désormais de sourire et de faire des phrases correspondant aux vœux exprimés par au moins 51% des futurs électeurs sondés. Ce n’était finalement pas si idiot que cela, puisque Marie-Chantal avait bien compris une chose : la « présidence de la république » à laquelle elle était candidate n’était qu’un poste honorifique, dont le tenant n’avait aucun pouvoir, ne faisant qu’exécuter les ordres des vrais maîtres du monde. Ces messieurs étaient organisés dans des sociétés secrètes préférant l’ombre à la luimière et qui avaient de drôles de noms : Commission trilatérale, Club Bilderberg, Loge Alpina, Bnai Brith, Grand Orient, Grande Loge etc.. Et ils avaient créé des organes de contrôle des activités de toute l’humanité, qui avaient pour nom Banque mondiale et Fonds Monétaire International. Tout ce beau monde comptait au bas mot 6 000 personnes, qui décidaient au jour le jour du sort de 6 milliards d’humains.
Face à Marie-Chantal, qui jouait à la petite-bête-qui-monte-qui-monte dans les sondages, le Nain s’agitait comme un désespéré. Par ses déclarations de guerre contre les habitants de ce qu’on appelait les « banlieues » - des endroits où les pauvres étaient bannis et parqués -, il avait provoqué des émeutes incendiaires. Par ses gestes et déclarations spectaculaires d’allégeance aux sociétés secrètes mentionnées plus haut, il s‘était mis à dos des millions d’électeurs. Sans parler évidemment des expulsions massives d’immigrés « non choisis »
Il faut dire qu’à l’époque, en Rance, les gens étaient classés selon des catégories qui nous paraissent incompréhensibles aujourd’hui : les uns étaient désignés comme « citoyens » et divisés en « sur-citoyens » et « sous-citoyens », les autres comme « étrangers » et divisés en « étrangers désirés » et « étrangers non-désirés » , les uns comme « blancs », les autres comme « noirs », les uns comme « juifs », les autres comme « musulmans » et divisés en « modérés » et « intégristes », les autres encore comme « laïques », ce qui n’était qu’une autre manière de dire « chrétiens ». Et nos candidats se disputaient les faveurs de ces diverses « catégories », attaquant les uns, cajolant les autres.
Ainsi, le Nain, après avoir choisi de s’appuyer sur les juifs, se rendant compte qu’il allait perdre les voix des musulmans, s’empressait de tenter d’ajuster le tir, en allant vite rendre visite à un autre Nain, de l’autre côté de la Méditerranée, le lamentable Camouflika, président de l’Algéristan. Il espérait ainsi rallier les suffrages des « citoyens » ranciens originaires de ce pays, qui avait été autrefois une dépendance de la Rance. Du coup, un nombre sans cesse croissant de Ranciens avait les cheveux qui se dressaient sur leur tête à la simple idée de se retrouver dirigés par ce nanoprésident et commençaient à lorgner d’un œil connaisseur la silhouette « élancé » de la Madone poitevine, qu’un de ses admirateurs, ancien maoïste devenu patriote français à l’aube du troisième âge, n’appelait rien moins que « la femme-liane » (« Toi Tarzan, moi Liane »).
Pendant ce temps, Marie-Chantal proclamait dans un discours tonitruant tenu pour saluer sa victoire aux éliminatoires du Parti sioniste, qu’elle parlait au nom des « femmes violées » et…des « femmes voilées ». D’un coup, elle s’aliénait les voix de celles des citoyennes qui, par conviction religieuse ou par choix esthétique, avaient choisi de se voiler les cheveux et n’appréciaient évidemment pas du tout de se voir comparées à des femmes violées. Il faut dire que Marie-Chantal était entourée et conseillée par deux drôles de zozos, Juju dit « Jules Moch » et Dada dit « Soupline », qui avaient de leurs origines trotskystes gardé l’habitude des magouilles, complots et autres coups bas. Ils se rêvaient déjà en ministres, les deux ex-révolutionnaires d’avant-garde, mais on n’en était pas encore là et la partie était loin d’être gagnée, à 150 jours de l’élection…
La suite à la semaine prochaine et que celle-ci soit bonne, quand même !
Que la Force de l’esprit soit avec vous !
Ayman El Kayman
20 novembre 2006


Notes à l’usage des habitants de pays lointains qui ne comprendraient pas toutes les allusions de l’auteur :
- Marie-Chantal est un personnage d'histoires drôles françaises des années 60, prototype de l'idiote de bonne famille, gentille et bien intentionnée. Exemple d'histoire drôle : Marie-Chantal voit un clochard qui mange de l'herbe dans le fossé le long de la route. Elle s'arrête et dit :"Mon brave, que faites-vous là ?", "Je mange, madame, j'ai faim". "Mais enfin, venez donc manger l'herbe de mon jardin!". Marie-Chantal contre le Docteur Kha est une parodie de film d'espionnage de Claude Chabrol (1965), interprétée par la très belle Marie Laforêt, qui, hélas, devint plus tard fasciste.
- Il faut aussi savoir que le prénom complet de Ségolène Royal est Marie-Ségolène. Et poitevine parce qu'elle est présidente de la région Poitou-Charentes.
- La Madone des Sleepings, un roman de Maurice Dekobra, fut un best-seller en 1925. Il raconte les aventures d'une aristocrate fantasque : « Elle est veuve, ravissante, ruinée et reçoit environ sept cent trente invitations à dîner chaque année. Elle danse nue dans les œuvres de bienfaisance et ne cesse de voyager. On la surnomme La Madone des Sleepings. »

lundi 13 novembre 2006

N° 15 – L’islam est-il compatible avec… ? (cocher la case du jour)

C’est devenu une question rituelle dans le rite français (et occidental) des fausses questions médiatisées à outrance (fausses puisque la réponse que souhaite recevoir celui qui pose la question est connue d’avance) : l’Islam est-il compatible avec la République ? L’islam est-il compatible avec le port du string –indice suprême de la libération féminine ? L’islam est-il compatible avec le Syndicat des marchands d’alcool et de tabac démocratiques (SMATD) ? Chaque jour qui passe depuis le 11 septembre 2001, cette question est posée avec une lancinante insistance par les Maîtres du discours qui nous assomment avec leur propagande, à croire qu’ils nous prennent vraiment pour des débiles profonds.Et depuis quelques mois, la nouvelle case à cocher est : « bagagisme ». La question du jour est donc : « L’Islam est-il compatible avec le bagagisme ? » C’est une véritable histoire de fous, mais elle est hélas parfaitement réelle, je n’ai rien inventé.
Depuis le 11 septembre, on savait donc déjà que tout personnel ou usager des transports aériens devait se méfier de tout passager ayant une tête de musulman. Comment reconnaît-on un Musulman ? C’est simple : il suffit qu’il soit un peu basané, avec ou sans barbe. S’il est rasé de près, c’est qu’il est en mission secrète. Tiens, cela me rappelle un blague cubaine : peu après le triomphe de la révolution, un homme se présente à l’entrée d’un camp militaire de « barbudos ». Or il n’a pas un poil au menton : le guérillero de garde lui demande ses papiers. Le visiteur ouvre sa braguette et murmure : « police secrète ».
Bref, en ces temps de jihad, on ne peut faire confiance à aucun musulman. Et ce n’est pas seulement des passagers suspects qu’il faut se méfier. « Ils sont partout », disent en chœur les Maîtres du Discours. C’est que les Musulmans ne sont pas seulement des grands voyageurs, qui utilisent tous les moyens de locomotion connus, de l’avion supersonique à la pirogue en passant par l’âne et le chameau. Ce sont aussi des travailleurs d’aéroports, à commencer par les bagagistes. Alors, là, vous imaginez le danger : ces sagouins seraient fichus de placer une bombinette dans la valise d’un innocent passager, une bombinette réglée pour exploser en plein vol.

Rififi à Roissy
L’Aéroport de Roissy est dans le peloton des trois plus grands aéroports d’Europe avec Heathrow (Londres) et Francfort. C’est aussi une des plus grosses entreprises de France, avec 80 000 salariés dans 700 entreprises pour plus de 200 métiers répartis dans 11 principaux secteurs d'activités. Et 40% de ces salariés sont des musulmans. Cela fait 32 000 personnes. L’aéroport s’étendant sur 3200 hectares, cela nous donne une densité de 10 musulmans à l’hectare, autrement dit 0,001 musulman au mètre carré. Évidemment, comme la plus grande partie de ces hectares sont des pistes sur lesquelles personne ne s’aventure, pas même des musulmans, la concentration de suspects est beaucoup plus importante, surtout dans le secteur-clé des bagagistes.
Ah les bagagistes de Roissy ! Personne ne les voit jamais, puisqu’ils sont sous terre, en train de se coltiner vos valoches, vos sacs, vos caisses, vos raquettes, vos skis et vos landaus. Est-ce que c’est cette existence souterraine qui stimule l’imagination ? En tout cas, les bagagistes musulmans souterrains de Roissy sont désormais une catégorie à haut risque qui demande que l’on applique le principe de précaution, comme s’ils étaient de vulgaires poulets suspects de grippe aviaire ou des veaux suspects d’Encéphalopathie Spongiforme Bovine.
Sur la base de rapports de l’UCLAT (l'unité centrale de lutte contre le terrorisme), la sous-préfecture de la Seine Saint-Denis (installée à Roissy, la préfecture étant à Bobigny) a retiré ces dernières semaines leurs badges de sécurité à 72 employés de l’aéroport de Roissy, au motif qu’ils posaient des problèmes de sécurité. À partir du moment où vous n’avez plus de badge de sécurité, vous ne pouvez pratiquement plus effectuer votre travail de bagagiste ou de chauffeur, car vous n’avez plus accès aux zones « sensibles » et la plus grande partie de l’aéroport est classée « sensible ». Les malheureux débadgés avaient le choix entre un échange de courrier sur cette question avec la Préfecture et une comparution devant une commission. Certains d’entre eux ont choisi la « comparution immédiate » (je choisis ce terme à dessein, car cette commission ressemble comme deux gouttes d’eau à un tribunal, ce qu’elle n’est évidemment pas). Et là, ils se sont entendus poser des questions à les faire tomber de leur chaise. Exemples de questions :
« Pourquoi ne faites-vous pas la bise à vos collègues quand vous arrivez au travail le matin ? » À quand la clause stipulant l’obligation de faire la bise à ses collègues dans le contrat de travail ?
« Vous êtes allé en pèlerinage à la Mecque deux fois. Pourquoi ? Est-ce qu’une seule fois, ça ne suffit pas ? » ça aussi : à inscrire dans les contrats de travail !
On a eu droit à des dialogues dignes d’un Courteline du XXIème siècle :
« Pourquoi portez-vous une barbe ? »
« Mais je ne suis pas le seul : mon collègue Machin a une énorme barbe et de grands cheveux. »
« Mais ce n’est pas la même chose : lui, c’est un Viking ! »
Faire ses prières, ça vous rend forcément suspect !Le site web www.saphirnews.com a intérrogé des bagagistes débadgés :« L’un d’eux, Karim, délégué de la CGT, nous raconte son interrogatoire. “Ils m’ont convoqué à la fin de mon service de nuit, après deux heures seulement de sommeil. Ils m’ont demandé quel lien j’avais avec l’islam, avec le Tabligh (NDLR : mouvement islamique de prédication, d’inspiration piétiste), le salafisme (NDLR : courant traditionaliste et littéraliste de l’islam) et quel rapport j’entretenais avec les membres de ma famille. Ils m’ont aussi demandé si ma femme était musulmane, si j’allais à la mosquée et quelle serait ma réaction si on me demandait d’accomplir un acte de malveillance. Je leur ai dit que je n’étais pas manipulable et lorsque je leur ai demandé ce qu’ils me reprochaient, ils m’ont répondu au conditionnel, qu’ils interrogeaient toutes les personnes potentiellement dangereuses”.Le témoignage de Mohamed, agent d’escale pour la société Penauille service air, va dans le même sens. « J’ai été convoqué. Je me suis fait accompagner d’un témoin et à mon arrivée, je leur ai demandé la raison de cette convocation. Il y avait trois personnes, dont l’assistant du Préfet et deux autres hommes dont je pense qu’il font partie des renseignements généraux. Lorsque je leur ai posé cette question, l’assistant du préfet a eu l’air gêné et, après avoir toussoté, m’a dit : « En fait, nous allons aborder le thème religieux ». Il m’a demandé : « Est-ce que vous faites la prière ? ». Je lui ai répondu oui. La faites-vous à la mosquée ? Oui, comme les juifs à la synagogue et les chrétiens à l’Église. Avez-vous fait votre pèlerinage ? Oui, cela fait partie du cinquième pilier de l’islam. Où cela, m’a-t-il demandé ? A la Mecque et Médine, lui ai-je répondu, surpris qu’il l’ignore.Il m’a aussi demandé si cela me dérangerait de raser ma barbe, de faire la bise aux femmes et ce que je pensais du salafisme. Je lui ai dis que je travaillais avec des femmes, des homosexuels ou des athées, que je m’entendais très bien avec mes collègues, que je ne me suis jamais absenté, même malade et que je n’avais jamais eu de problème avec ma direction. Peu de temps après cet entretien, je recevais un courrier qui m’indiquait que ma prestation n’avait pas convaincu, que je n’étais pas « insusceptible » de porter atteinte à la sûreté aéroportuaire et que je présentais un danger significatif pour eux. Ils m’ont ainsi retiré mon badge ».



C’est l’inénarrable Philippe de Villiers, le chantre du « patriotisme populaire » qui a lancé la campagne contre les musulmans de l’aéroport de Roissy en avril, en publiant un bouquin qu’il aurait écrit (ou plutôt fait écrire par un « Nègre » ni musulman ni syndiqué) pour dénoncer « l’infiltration des intégristes musulmans », dans cet aéroport dont ils peuplent les sous-sols, se livrant à d’obscurs complots. Quelque temps plus tôt, de Villiers avait proosé …la création d’une Garde nationale – sur le modèle yankee – pour surveiller…les mosquées ! Auparavant, il y avait eu l’incroyable aventure du bagagiste Abderrezak Besseghir, victime d’un complot de sa belle-famille et accusé à tort de préparer un attentat terroriste avant d’être innocenté.Mais même si Philippe de Villiers a revendiqué fièrement la gloire d’avoir été à l’origine des retraits de badges, ce sont en fait les services de renseignement yankees et british qui ont fait pression sur le ministère de l’Intérieur français, qui s’est gentiment exécuté, son titulaire n’était qu’un vulgaire agent local de la croisade bushesque contre le terrorisme. Cette information, donnée par des responsables d’association musulmanes reçus par le sous-préfet qui leur a révélé ce « détail » piquant, n’a pas été démentie.


Certains des employés débadgés ont porté plainte. La justice vient d’ordonner de restituer leurs badges à deux d’entre eux. L’affaire suit son cours et est loin d’être finie.On ne peut donner qu’un conseil à Sarkozy : il vaudrait mieux qu’il arrête ses petits jeux provocateurs car s’il continue comme ça, il risque de se retrouver avec un aéroport qui est l’un des sept aéroports les plus importants du monde – paralysé par la première grève de musulmans de l’histoire de France –et les musulmans ne seraient certainement pas seuls à se mettre en grève (« L’islam est-il compatible avec la grève ? » La réponse est oui). Et ça ne serait vraiment pas bon, en pleine campagne électorale. Le seul vrai danger pour la sécurité des Français, c’est lui, Sarközy de Nagy de Bocsa. Il faut lui retirer son badge de toute urgence, avant qu’il provoque une catastrophe inéluctable.
Bonne semaine, quand même !
Que la Force de l’esprit soit avec vous !
Ayman El Kayman
13 novembre 2006

lundi 6 novembre 2006

N° 14 - Les résultats du Concours international de caricatures sur l’Holocauste

Derkaoui Abdellah/Maroc : Premier Prix :12000 $ + Trophée + Mention Honorable

Le Jury de ce concours, organisé par la Maison de la bande dessinée de Téhéran, vient de décerner les prix. Pour voir les dessins qui ont remporté les prix, allez sur http://www.irancartoon.com. Si vous ne parvenez pas à vous connecter (le site a un succès énorme : il a reçu 9 millions de vistes rien qu'en septembre), vous pouvez retrouver les dessins sur http://quibla.net/
Bonne semaine quand même !
Que la Force de l’esprit soit avec vous !
Ayman El Kayman