mardi 23 octobre 2007

N° 51 - Christine, chasseuse de têtes :"Pas de restitution"

Ma tête de Turc cette semaine sera Madame Christine Albanel, qui est, pour ceux qui l’ignorent – et ils sont doute la majorité – ministre française de la Culture et de la Communication depuis le 18 mai 2007.
Cette obscure agrégée de lettres de 52 ans qui n’a pas pu percer dans la carrière littéraire a ainsi été récompensée pour ses bons et loyaux services : elle a laborieusement écrit tous les discours de Jacques Chirac pendant 25 ans, après avoir été attachée de presse d’Anne-Aymone Giscard d’Estaing.
Elle avait été introduite à l’Élysée par son cousin Jean-Bernard Mérimée, alors chef du protocole et futur représentant de la France au Conseil de sécurité, période pendant laquelle il aurait touché des commissions sur 2 mllions de barils de pétrole irakien.
Avant de devenir ministre, Mme Albanel a été présidente du Domaine de Versailles, où elle a dirigé des grands travaux de restauration qui, de l’avis des experts, ont été un véritable échec patrimonial.
À peine en place au ministère, elle a commencé par demander à Jean-Pierre Bady, président de la "Commission de récolement des dépôts d’œuvres d’art" de ne pas publier son rapport 2007 concernant l'exercice 2006 portant sur la gestion du mobilier de l'État. Ce rapport fait état de 17.000 "disparitions" d'objets du patrimoine historique, dont certains avaient été confiés à des ministères, ambassades ou élus. Elle se serait engagée à publier ce rapport, mais pas avant 2008.
Mme Albanel fait soudain parler d’elle, à propos d’une affaire étrange, la tête du guerrier Maori Haka. Les Maoris sont les habitants originels d’ Aotearoa, un pays plus connu sous le nom pittoresque – et colonial - de Nouvelle-Zélande. Les Maoris ont résisté – et continuent à résister – à l’occupation coloniale de leurs îles. Ils ont –provisoirement – perdu.
La tête de Haka, momifiée et tatouée, fait partie d’une douzaine de têtes volées par des Européens au XIXème siècle et « offertes » à des musées. Elle est conservée au Muséum des sciences naturelles de Rouen, auquel elle a été « donnée » par un particulier en 1875. Le maire de cette ville, l’ex-UDF Pierre Albertini, a décidé de se joindre au mouvement général de restitution de ces têtes, non pas aux Maoris eux-mêmes, mais à la Nouvelle-Zélande, dont le gouvernement entend les exposer dans un musée à Wellington. Ce mouvement de restitution s’inscrit dans celui engagé à la fin des années 1990, qui a vu la France rendre à l’Afrique du Sud la « Vénus hottentote », ou l’Italie restituer à l’Éthiopie l’obélisque d’Axum. « Cet acte symbolique exprime le respect que l'on doit aux croyances d'un peuple qui refuse que meurent sa culture et son identité », a déclaré Albertini.
Or voici qu’à la veille de la cérémonie de restitution en présence de l’ambassadrice de Nouvelle-Zélande et du chef maori Tumu Te Heuheu, président du comité du patrimoine mondial de l'Unesco, Mme Albanel a eu l’idée saugrenue de saisir le tribunal administratif pour bloquer cette restitution, invoquant la loi du 4 janvier 2002, selon laquelle les collections du domaine public sont inaliénables. Ce à quoi le maire de Rouen répond que la tête de Haka fait partie «de restes humains qui répondent à la loi de bioéthique et ne font donc pas l'objet d'un droit patrimonial quelconque». Autre argument : le muséum de Rouen ne relève pas du ministère de la Culture mais du ministère de l’Enseignement supérieur dont la titulaire, Valérie Pécresse, a émis un avis favorable à la restitution.
La loi de 2002 précise qu'on ne peut aliéner aucun élément de collection publique sinon après une décision d'une commission spécialisée, a souligné Mme Albanel. « Il serait tout à fait possible que cette commission, compte tenu d'une série de circonstances, décide effectivement de se séparer de cette tête maori ». Mais en l'espèce, « nous sommes complètement hors de toute procédure, ce qui peut entraîner beaucoup de conséquences si on pense à nos collections des Antiquités égyptiennes, aux collections péruviennes, aux collections du Quai Branly »Mme Albanel considère que cette tête maorie fait partie des objets sociaux, qui ont un « statut très particulier». « On ne peut pas les apprécier comme étant des restes humains qui tomberaient sous le coup de la loi bioéthique », comme le fait valoir la mairie de Rouen.
La cérémonie de restitution officielle a eu lieu mardi, et le tribunal a ordonné la suspension de l’acte mercredi. On en est là. Comment va finir le bras de fer ?
On peut comprendre Mme Albanel : il ne faut pas donner de mauvaises idées aux peuples pillés de leur patrimoine le plus sacré. Car, si la tendance continue, les musées de Paris, Louvre et Musée des Arts premiers en tête, Londres, Berlin et Turin vont se vider de leurs momies de pharaons ou d’Incas, de leurs frises du Parthénon et autres têtes de chefs, comme celle du chef kanak Atay, qui a disparu sans laisser de traces dans les caves du Musée de l’Homme.« Pas de repentance » : à ce slogan de combat de son chef, la guerrière Christine pourrait donc ajouter : « Pas de restitution »…
Bonne semaine, quand même !
Que la Force de l’esprit soit avec vous !
...et à mardi prochain !

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