lundi 11 juin 2007

N° 40 - Bleu Marine

Yves Klein

En novembre 1919, avec la victoire du Bloc national, les élections législatives donnent à la France une Chambre « bleu horizon », la plus à droite depuis 1871. Bleu comme la couleur de la droite, bleu comme l’uniforme des Poilus de 14-18. Ce tsunami de droite était porté par une vague de patriotisme et la peur du bolchevisme. Le slogan du Bloc national : « l’Allemagne paiera ». Et pour convaincre l’Allemagne défaite de payer pour la guerre, l’armée française occupera la Ruhr en 1923. Ce sera un échec, qui ne contribuera qu’à une chose : fouetter le nationalisme allemand, avec le résultat que l’on sait : dix ans plus tard, Adolf Hitler est élu Chancelier du Reich. Dès les lendemains de sa constitution, le gouvernement « bleu horizon » réprime la grève des cheminots – 15 000 d’entre eux sont licenciés – et les manifestations du 1er Mai 1920. 5 ans plus tard, le Cartel des Gauches gagnera les élections
En juin 1968, les élections législatives donnent aussi une majorité écrasante au parti de la peur et de la réaction à la « subversion » du joli mois de Mai. Un an plus tard, De Gaulle était chassé purement et simplement du pouvoir.
Au lendemain du premier tour des élections de juin 2007, on constate ce qui suit :
- de 37% à 39,5% des électeurs se sont abstenus, le plus fort score d’abstention depuis 1958 ;
- L'UMP et ses alliés oscillent entre 41,3% et 45,8%, ce qui serait le score le plus élevé depuis les 46,7% aux législatives de 1978. La gauche et ses alliés recueilleraient près de 37% des voix, le Mouvement démocrate de François Bayrou avoisine les 7%, le Front national les 5%, son plus mauvais score depuis son apparition sur l'échiquier politique dans les années 80 ;
- TNS-Sofres crédite la droite (UMP-Nouveau Centre-Divers droite) de 45,8%, la gauche (y compris les Verts) de 36,4% et le MoDem de 7,4%, le FN et Mouvement national républicain de 4,6%.
On peut d’ores et déjà conclure que :
- le Front national a été laminé (à l’exception de Marine Le Pen, qui a recueilli 24,47% des voix dans le Pas-de-Calais et affrontera le candidat socialiste au deuxième tour) et Sarközy, en intégrant l’essentiel du bagage idéologique frontiste, a récupéré le plus gros des troupes électorales du Bâtard borgne breton. Cela met un terme au rôle historique joué par Le Pen, qui était de diviser la droite pour permettre à la gauche de gagner. La Chambre bleu sarközy sera donc une chambre bleu…Marine !
- l’hypothèse du « Nouveau Centre » de Bayrou (le « modem » orange, qui ressemble à une mauvaise copie de la pub… d’Orange, l’opérateur Télécom) est pratiquement balayée. Les opportunistes (Azouz Begag à Lyon, Claude Ribbe à Sarcelles) et autres transfuges (les ex-Verts Jean-Luc Bennahmias à Marseille et Olivier Pagès à Paris) ont raté leur coup. Ils ne seront pas députés.
Bref, cette rhapsodie en bleu Marine a de quoi filer le blues !
Le mot de la fin à Robert Solé, dans le Monde du 5 mai dernier :
« Selon les sondages, ce ne sera pas une vague bleue, mais un raz de marée, un tsunami. Les heureux députés de la majorité présidentielle commandent déjà leur garde-robe. Le costume bleu nuit s'impose, bien sûr, avec une chemise azur. On fait aussi de très jolies chaussures marine. Attention ! Le chef de l'État, grand cordon bleu de la cuisine électorale, ne veut pas d'une majorité "godillot". Chacun doit pouvoir exprimer sa différence, avec audace et imagination. Une pochette turquoise, par exemple, serait du meilleur effet. Une cravate bleu de Prusse témoignerait d'une ouverture internationale. Pour les bretelles et les caleçons, ne pas hésiter à explorer tout l'arc-en-ciel : bleu outremer, bleu lavande, bleu pervenche, bleu pétrole, bleu roi...Mais vous n'avez pas, Messieurs, le monopole de la couleur, comme dirait Valéry Giscard d'Estaing. Regardez François Bayrou : couvert de bleus, il repart vaillamment au combat. Et si le PCF a une peur bleue de disparaître, c'est une rose un peu fanée qui donne aux socialistes des bleus à l'âme. »
Bonne semaine, quand même !
Que la Force de l’esprit soit avec vous !

Joan Miró, Bleu II

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