mardi 29 novembre 2011

N° 139 - Égypte : en attendant le prochain Pharaon

"Nous ne permettrons pas à un quelconque individu ou une quelconque partie de faire pression sur les forces armées" : cette phrase historique a été prononcée dimanche par le maréchal Mohamed Hussein Tantaoui Soliman, Grand Mamamouchi* qui, le 11 février dernier, a pris “provisoirement” la place du Pharaon déchu à la tête du Conseil supérieur des forces armées, le SCAF, dont le nom claque comme une insulte aux oreilles du peuple égyptien en colère. Ce peuple vient de lancer la phase 2.0 de sa révolution le samedi 19 novembre, qui a déjà coûté la vie à des dizaines de héros anonymes.

Le mouchir vient de fêter son 76ème anniversaire le 31 octobre, ce qui fait de lui un jeunot dans la gérontocratie galonnée qui est au commandes au bord du Nil. Vétéran de toutes les guerres perdues par l’armée égyptienne (1956, 1967, 1973) et de la première Guerre du Golfe (aux côtés de la vaillante US Army), ministre de la Défense (des coffre-forts) de Moubarak pendant 20 ans, il est la pointe émergée de la pyramide du pouvoir. Les généraux de l’armée égyptienne, qui comme ceux de l’armée mexicaine, ne connaissent que les canonnades de dollars, détiennent le pouvoir au pays des pharaons, et avant tout le pouvoir économique (30% selon les spécialistes). Bref, pour parler comme les Algériens, une véritable mafia militaro-financière.
Le slip de Tantaoui
Les multitudes qui occupent la Place Tahrir et celles des autres villes égyptiennes en ont ras-le-bol et ne peuvent plus voir le Field Marshall en photo. Celui-ci ne veut pas devenir pharaon : il est simplement chargé par ses petits copains de garantir qu’un changement démocratique laissera leur pouvoir intact et ne les mettra pas en prison pour leurs crimes, et pour cela, il doit pouvoir décider qui deviendra Pharaon. Et pour cela, le SCAF a passé un deal avec les Frérots musulmans : “on garde nos coffre-forts et on vous sous-traite la gestion de la société, en comptant sur vous pour canaliser le populo”. Et ce deal se fait sur le dos du mouvement révolutionnaire indépendant qui est redescendu dans la rue. Pendant que le jeu des chaises musicales se poursuit autour du poste de pharaon intérimaire et que l’on compte les voix aux élections législatives qui viennent d’avoir lieu, le business continue, as usual.
Le mouchir sans sa moustache et avec une barbe
*Maréchal se dit mouchir en arabe, qui évoque irrésistiblement le « mamamouchi » de Monsieur Jourdain dans Le Bourgeois Gentilhomme du regretté Molière.
Photos d’art mural révolutionnaire, Le Caire, novembre 2011
Bonne semaine, quand même !
Que la Force de l’esprit soit avec vous !
...et à la semaine prochaine !


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