lundi 26 juin 2006

N°4 -Mourir de rire

Chers lecteurs,
J'ai d'assez bonnes nouvelles à vous communiquer : le vétérinaire qui m'a examiné m'a trouvé en bonne forme mais a cependant noté que ma dentition était encore jeune et fragile et m'a recommandé d'adopter un régime léger, d'éviter les poulets vivants, les cabris et les jeunes veaux, et de me contenter de grenouilles. Du moins durant ce début de mousson. Et il m'a recommandé de prendre un peu de vacances. Je vous écris donc d'une plage ensoleillée au bord de l'Océan Indien, qui me change du fleuve boueux de la politique politicienne sur laquelle j'ai exercé mes jeunes dents. Je vais donc vous entretenir quand même de politique, mais d'une politique un peu particulière, celle des humoristes français, qui me font de moins en moins rire, au contraire des politichiens, qui, eux, me font rire matin, midi et soir, à commencer par le Marquis de Galouzeau, j'ai nommé Dodo le Maso, souffre-douleur du Grand Jacques et futur ci-devant Premier ministre, dont toute la carrière politique aura été une longue succession calamiteuse de catastrophes. Un vrai Buster Keaton, qui semble être précédé par un invisible éplucheur de bananes qui lui en glisse une sous les escarpins à chaque pas qu'il fait. À moins qu'il ne se les glisse lui-même sous les semelles.




Mourir de rire
En ce mois de juin, le plus grand humoriste français de l'après-guerre est mort à 84 ans. Raymond Devos l'inégalable, l'implacable, le délirant, le maître absolu de la logique absurde des mots, l'algébriste de la formule concise, a décidé de quitter ce bas monde, au terme d'une carrière de 50 ans. Raymond Devos, né en Belgique, n'ira pas au Panthéon - où en revanche le capitaine Dreyfus risque fort d'aller un de ces jours - mais il avait de toute façon une place réservée au purgatoire, dans la section "clowns, mimes et jongleurs". De Devos, on se souviendra de beaucoup de petites phrases (il avait inventé les "petites phrases" bien avant les téléshowmen et -women que sont devenus les politichiens).Sa blague fondatrice date de 1956. Il est à Biarritz, dans un café. Arrive le serveur : «"Vous voulez quoi ?", alors j'lui dis : "Je voudrais voir la mer", i'm'dit : "La mer... elle est démontée." J'lui dis : "Vous la remontez quand ?", i'm'dit : "C'est une question de temps."»Parmi les phrases historiques de Devos - dignes d'Einstein ou de Groucho Marx - mes deux préférées sont celles-ci :« Le rire est une chose sérieuse avec laquelle il ne faut pas plaisanter. »« Je préfère glisser ma peau sous des draps pour le plaisir des sens que de la risquer sous les drapeaux pour le prix de l'essence. »Raymond Devos n'a jamais été tenté par la politique, mais il toujours été éminemment politique dans sa manière de "prendre le verbe et lui tordre son cou", comme disait Verlaine. Il a été conséquent jusqu'au bout, ne déviant jamais de l'itinéraire qu'il s'était tracé. Il n'a à ma connaissance jamais signé un pétition, bien qu'il ait participé - très rarement, il est vrai - à quelques manifestations. Bref, il a pris jusqu'au bout très au sérieux son métier d'amuseur.Raymond Devos est mort de maladie et de vieillesse le 16 juin. 3 jours plus tard, la France unanime a commémoré le vingtième anniversaire de la mort d'un autre clown, Michel Colucci, un fils d'immigré italien devenu célèbre sous le nom de Coluche [les plupart des comiques français sont des "allogènes", produits de l'histoire de l'Empire colonial], Coluche, qui a légué à la France les Restaurants du Coeur et quelques mots passés dans le langage courant, comme son fameux "hakik" (pour haschisch) qui plairait certainement à mon ami Juan Kalvellido.
Coluche, lui, n'est mort ni de maladie ni de vieillesse, ni d'overdose ni de cirrhose du foie (ça aurait pu lui arriver, certes), mais plutôt d'un "putain de camion" qui l'a éjecté, lui et sa moto, d'une petite route française en 1986. Accident ? On n'en est toujours pas sûr. Coluche aurait pu être assassiné sur ordre du locataire de l'Élysée de l'époque, un certain François Mitterrand, alias Tonton. Quelques éléments militent en faveur de cette thèse : une dépêche de l'Agence France-Presse a curieusement annoncé la mort de l'humoriste UNE HEURE avant l'accident ! Et Coluche préparait un spectacle entièrement consacré à la fille alors cachée de Mitterrand, la fameuse Mazarine, plus tard sortie de l'anonymat où elle fut conservée du vivant de son père naturel. L'écrivain Jean-Edern Hallier, un véritable Don Quichotte, avait révélé l'existence de cette fille du Président et sa mort dans un bizarre accident de la circulation (il roulait toujours à scooter) ne serait pas non plus tout à fait accidentelle. Coluche avait semé une véritable panique dans les états-majors des partis politiques lorsqu'il avait annoncé en 1980 sa candidature à l'élection présidentielle de mai 1981. Tous les Français se souviennent de sa phrase historique : "Avant moi, la France était coupée en deux, après moi, elle sera pliée en quatre." Finalement, l'establishment était parvenu à se débarrasser de ce casse-pieds en douceur, sans avoir besoin de l'éliminer physiquement, en invoquant simplement son casier judiciaire (il avait eu quelques condamnations pour des délits mineurs, mais c'était suffisant pour le rendre inapte à la candidature). Rêvons un instant et imaginons que Coluche aurait pu se présenter à l'élection. Au premier tour, il aurait sans doute battu Arlette Laguillier, la trotskyste aux sempiternelles 700 000 voix, et aurait pu ramasser, disons, un million de voix. Comment le candidat élu Mitterand aurait-il interprété et pris en compte ce million de voix qui se seraient naturellement reportées sur lui au second tour ? En nommant Coluche ministre de la Culture, ou secrétaire d'État à la circulation routière sur les chemins vicinaux ? Je n'ai aucune réponse.Ce qui est sûr, c'est que Coluche ne rentrait ni dans la stratégie ni dans la tactique de Mitterrand pour accéder au pouvoir. Le futur Tonton avait un autre atout dans sa manche, le BBB. Mais oui, vous savez bien, le Bâtard Borgne Breton, j'ai nommé Jan-Marie Le Pen. C'est Mitterrand qui l'a encouragé à créer le Front national, la même année où naissait le nouveau parti socialiste (je veux dire le désormais ancien "nouveau parti socialiste", pas le nouveau "nouveau parti socialiste" de Peillon et Montebourg). Après son échec à l'élection de 1974, Mitterrand a fait jouer tous ses réseaux pour que le Front national arrive à capter une partie suffisante de l'électorat de droite pour mettre en échec l'alors majorité gaullisto-giscardienne. Et il y a réussi en 1981 et en 1988.

Au pays des aveugles, les borgnes sont rois : on ne rit plus, on vote !
Avant la nouvelle élection présidentielle d'avril 2007, un nouveau motocycliste et humoriste est candidat à la candidature. Les gens naïfs et sincères qui ont soutenu sa démarche ont réellement craint qu'un camion vienne faire subir à Dieudonné Mbala Mbala le même sort qu'à Coluche. Depuis qu'il s'est mis à dos tout ce que la France compte de bien-pensants, emmenés tambour en tête par la crème des organisations dites "juives" mais simplement sionistes, Dieudonné n'a pas été seulement traîné en justice (une vingtaine de fois : il presque a toujours gagné se procès), il a aussi été agressé physiquement à plusieurs reprises, dont deux fois de manière plutôt grave, toujours par des jeunes sionistes.Mais ce que les supporters sincères et naïfs ignoraient et qu'ils sont en train de découvrir, car en politique, tout finit par se savoir, c'est que Dieudonné n'a pas besoin d'être éliminé physiquement pour l'empêcher de nuire à l'establishment (que Le Pen, en bon nationaliste, appelle "l'établissement"); il est déjà sur le point d'être éliminé politiquement, par un complot digne de ce grand maître en machiavélisme que fut Mitterrand et qui vise à le disqualifier.Dieudonné a tout simplement reçu l'appui du BBB, qui lui a promis de lui "fournir" les 500 lettres de soutien de maires et d'élus nécessaires pour être candidat à la présidentielle. Mais pourquoi donc Le Pen soutiendrait-il Dieudonné, me direz-vous ? Parce que Dieudonné risquait de prendre suffisamment de votes protestataires à le Pen pour que celui-ci n'ait aucune chance de se maintenir au deuxième tour, comme en 2002.Donc, a calculé Le Pen, conseillé en cela par divers personnages dont un écrivain qui se veut à la mode, "j'apporte mon soutien à Dieudonné et je le fais savoir en temps utile; les électeurs "naturels" de Dieudo (la jeunesse métissée des banlieues) sera tellement dégoûtée de l'apprendre qu'elle ne votera ni pour lui ni sans doute pour aucun autre candidat, du moins au premier tour."Vous ne me croyez pas, vous pensez que je délire ? Attendez de voir ce qui va se passer dans la période qui vient, et vous verrez si j'avais raison.Dieudonné, tout comme Coluche, est tout sauf un politique. Il se croit malin en misant sur l'appui de Le Pen, ne se rendait apparemment pas compte que, faisant cela, il sape toute l'assise populaire réelle qu'il avait il y a encore quelques mois, lorsque les sondages le créditaient de 19% des voix. En se livrant pieds et poings liés à Le Pen, Dieudonné a définitivement enterré toute possibilité d'une candidature susceptible d'enthousiasmer une belle tranche de l'électorat; il s'est transformé tout simplement en "cadavre politique".Je crois quant à moi que Dieudonné aurait pu se passer de Le Pen pour recueillir les soutiens des 500 maires et élus dont il a besoin. Il lui aurait suffi de prendre son bâton de pèlerin dès le début de cette année et d'aller frapper à la porte de maires choisis dans quelques-unes des 36 000 communes que compte la France, en éliminant tous ceux qui avaient apporté leur soutien à tel ou tel autre candidat pour la précédente élection, soit environ un quart des maires. Il en restait trois quarts à prospecter. Et certains, comme le poète Aimé Césaire, maire de Fort-de-France, en Martinique, lui étaient déjà acquis, ainsi que de nombreux élus des départements d'outre-mer. De la Bretagne à l'Alsace et de la Flandre à la Corse, il aurait sûrement trouvé assez de maires insensibles aux accusations infamantes d'antisémitisme qui ont plu sur lui depuis 3 ans.Le chemin d'apparente facilité choisi par Dieudonné sera pour lui un véritable chemin de croix. Il risque d'y perdre non seulement son honneur, mais son public. Lui, qui avait rêvé de transformer des spectateurs en acteurs, n'a pas trouvé la bonne formule alchimique pour entrer en politique. Il ne suffit pas de savoir faire rire (volontairement, je veux dire, je ne parle pas des politichiens professionnels qui font rire, mais involontairement, en général du moins) les gens pour savoir comment leur permettre de devenir protagonistes de leur propre destin.Ma conclusion brillante est donc celle-ci : si rire est le propre de l'homme (Voltaire), les humoristes doivent, comme Devos, rester des humoristes, c'est-à-dire apporter leur contribution - non négligeable - aux contre-pouvoirs que la société doit mettre en place face aux pouvoirs et ne pas se compromettre, même symboliquement, avec le pouvoir. Car le pouvoir, toujours, corrompt et emprisonne aussi bien ceux qui le subissent que ceux qui l'exercent. Et si le pouvoir emprisonne, le rire, lui, libère. Comme aurait dit Devos, "Rire est une chose trop sérieuse pour plaisanter électoralement avec".
Bonne semaine, quand même !
Que la Force de l'esprit soit avec vous !

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